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  Vol. 296 No. 11, 20 Septembre 2006 TABLE OF CONTENTS
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Tendances dans la survie fœtale et infantile après prééclampsie

Olga Basso, PhD; Svein Rasmussen, MD, PhD; Clarice R. Weinberg, PhD; Allen J. Wilcox, MD, PhD; Lorentz M. Irgens, MD, PhD; Rolv Skjaerven, PhD


RÉSUMÉ

Contexte La prise en charge d'une prééclampsie se termine souvent par le déclenchement bien avant terme de l'accouchement. Si une extraction prématurée protège le foetus de la mort in utero, elle expose le nouveau-né aux risques de la prématurité. Cette pratique est devenue plus fréquente au cours de ces dernières années mais ses effets nets sur la survie fœtale et infantile n'ont jamais été évalués.

Objectif Évaluer les effets sur la survie fœtale et infantile de l'augmentation du taux d'accouchement prématuré dans les grossesses compliquées de prééclampsie.

Plan expérimental, cadre et participants Étude longitudinale d'observation de population générale, utilisant les données de 804 448 enfants uniques, premiers-nés de mères nées en Norvège, inscrits entre 1967 et 2003 dans le Registre médical norvégien des naissances.

Principaux critères de jugement Odds ratios (OR) de morts fœtales et infantiles liées à une prééclampsie.

Résultats Pour l'ensemble des grossesses compliquées de prééclampsie, les déclenchements avant 37 semaines sont passés de 8 % en 1967-1978 à presque 20 % en 1991-2003. D'une période d'étude à l'autre, l'OR ajusté de mortinatalité est passé, pour les grossesses avec prééclampsie comparées aux grossesses sans prééclampsie, de 4,2 (intervalle de confiance [IC] à 95 %: 3,8 - 4,7) à 1,3 (IC à 95%: 1,1 - 1,7). Dans le même temps, l'OR de mortalité néonatale après prééclampsie est resté relativement stable (1,7 en 1967-1978 et 2,0 en 1991-2003). Les risques de décès en période post-néonatale et dans la première enfance ont également peu changé.

Conclusions La survie foetale dans les grossesses compliquées de prééclampsie a fortement augmenté en Norvège au cours des 35 dernières années, probablement en raison d'une prise en charge clinique plus intensive. Cependant, le risque relatif de décès néonatal après prééclampsie n'a pas changé au cours du temps.

JAMA. 2006 ; 296 : 1357-1362


La prééclampsie est une cause bien connue de décès périnatal.1,2 Malgré des améliorations remarquables dans la prise en charge clinique, la prééclampsie se termine souvent par la naissance, après intervention médicale, d'un grand prématuré. Même s'ils ne sont que légèrement avant terme, les accouchements prématurés augmentent notablement le risque de décès néonatal.3 Quand la prééclampsie se manifeste tôt durant la grossesse, même quelques jours supplémentaires in utero peuvent donc être essentiels à la survie du nouveau-né.4,5 Une synthèse d'essais cliniques ayant comparé accouchement différé et accouchement immédiat a effectivement indiqué de meilleurs résultats, chez des patientes bien sélectionnées, en cas d'accouchement différé.5 D'un autre côté, la prééclampsie peut progresser rapidement, entraînant des risques sévères à la fois pour la mère et pour l'enfant en l'absence d'intervention.

Les accouchements prématurés déclenchés pour indication médicale évitent peut-être des naissances d'enfants mort-nés, comme cela a été suggéré pour les États-Unis.6 Il est, cependant, possible que l'enfant en paye le prix par une augmentation du risque postnatal. Un tel risque pourrait persister bien au-delà de la période néonatale mais il est difficile à détecter au niveau de la population dans la mesure où il existe une tendance globale à la baisse de la mortalité infantile. La prééclampsie est une des principales indications d'accouchement prématuré dans les pays développés, 7 cette tendance ayant été encouragée en partie par l'augmentation des possibilités de prise en charge des très grands prématurés.5 Il est important d'évaluer l'effet net de ces changements de pratique médicale sur la survie de l'enfant en cas de prééclampsie. Nous avons examiné les changements survenus au cours du temps en Norvège dans la mortalité fœtale et infantile liée à une prééclampsie.


MÉTHODES

Nous avons utilisé les données du Registre médical norvégien des naissances, sur une période allant de 1967 à 2003, en les reliant aux informations provenant des Statistiques norvégiennes. Dans ce registre, ouvert en 1967, sont notées toutes les naissances survenues à partir de la 16e semaine d'aménorrhée (de la 12e semaine à compter de 1998) chez les femmes habitant en Norvège. L'enregistrement des naissances est de 100 % pour les enfants vivants; il est presque complet, après la 22e semaine, pour les enfants mort-nés. C'est la sage-femme ou le médecin présent au moment de l'accouchement qui remplit le formulaire de notification au registre.8

Nous avons restreint notre analyse aux grossesses ayant duré au moins 24 semaines et concernant des femmes elles-mêmes nées en Norvège (93 %). Nous avons fait cette dernière restriction pour éviter une possible confusion due à l'augmentation au cours du temps de la proportion de naissances chez des femmes nées à l'étranger (3 % en 1967 et 16,5 % en 2003). Nous avons également exclu les naissances multiples (2,5 %) dans la mesure où d'une part celles-ci ont également augmenté en fréquence et d'autre part la prééclampsie, l'accouchement prématuré et le décès périnatal sont plus fréquents dans les grossesses multiples.9

Nous avons également restreint l'analyse aux premières naissances, excluant par conséquent les grossesses dans lesquels l'issue d'une grossesse antérieure aurait pu avoir influencé la prise en charge médicale ou la décision du couple d'avoir un autre enfant.

Parmi les 954 945 naissances d'enfant unique survenues chez des femmes nées en Norvège entrées pour la première fois dans le registre, 797 127 (83,4 %) étaient des premières naissances confirmées par les informations transmises par la mère. Nous avons exclu les 146 947 naissances pour lesquels la mère avait indiqué un rang de naissance plus élevé; 90 % de ces naissances avaient eu lieu dans la phase la plus précoce du registre (1967 à 1973). Pour 10 871 naissances, la femme avait accouché pour la première fois d'après le registre mais il n'y avait aucune information venant de la mère concernant la parité. Nous avons exclu les 5 femmes qui avaient accouché dans les 10 premières années du registre et nous avons supposé dans les autres cas qu'il s'agissait bien de premières naissances.

Nous avons exclu 2330 enfants nés avant 24 semaines d'aménorrhée révolues. Même si le diagnostic de prééclampsie peut être porté à partir de la 20e semaine, il n'y a eu que 22 femmes qui ont accouché entre les semaines 20 et 23 avec un diagnostic de prééclampsie.

L'âge gestationnel, calculé à partir de la date des dernières règles, manquait dans 6,2 % des cas. Pour ces cas, nous avons considéré que les enfants dont le poids de naissance indiqué dans nos données dépassait le 50e percentile pour 24 semaines (670 g) devaient « probablement » être nés à 24 semaines ou après et pouvaient donc être inclus dans notre étude (ce qui n'excluait que 350 enfants sur les 49033 pour lesquelles nous n'avions pas l'âge gestationnel). Nous avons également exclu 865 enfants pour lesquels nous n'avions ni l'âge gestationnel ni le poids de naissance. Dans ce dernier groupe, il n'y avait que 3 (0,3 %) diagnostics maternels de prééclampsie et 8,3 % des enfants étaient morts dans la période périnatale, ce qui suggérait que ce groupe comprenait une forte proportion d'enfants très prématurés ne répondant pas à nos critères d'inclusion. Après ces exclusions, il nous restait pour l'analyse un total de 804448 enfants.

La prééclampsie est notifiée au registre en tant que diagnostic spécifique extrait du dossier médical. Le formulaire de notification contient des informations sur les signes cliniques tels que l'hypertension artérielle, la protéinurie et les œdèmes. En Norvège, les critères diagnostiques de la prééclampsie suivent les recommandations de 1972 de l'American College of Obstetricians and Gynecologists,10 qui définit la prééclampsie comme une augmentation de la pression sanguine (≥ 140/90 mm Hg) après 20 semaines d'aménorrhée, accompagnée d'une protéinurie, d'œdèmes ou des 2. En pratique clinique, cependant, la présence d'œdèmes ne conduit pas à un diagnostic de prééclampsie si une protéinurie n'accompagne pas l'hypertension. Les critères diagnostiques sont restés pratiquement constants depuis 1967.

En 1998, le formulaire de notification a été modifié de façon à permettre une classification plus détaillée des prééclampsies. Pour notre analyse, cependant, nous avons traité la prééclampsie comme une variable dichotomique pour toute la période d'étude. Nous avons utilisé les informations provenant du registre des naissances pour déterminer les nombres d'enfants mort-nés et d'enfants morts avant l'âge de 1 an et celles provenant du registre des causes de décès pour les enfants morts entre 1 et 5 ans.

Nous avons divisé les naissances en 3 périodes ayant une durée et un nombre de naissances à peu près égaux: 1967-1978, 1979-1990 et 1991-2003. Nous avons utilisé une régression logistique pour estimer, séparément pour chaque période, les odds ratio liés à la prééclampsie pour plusieurs critères de jugement: mortinatalité, mortalité périnatale (mortinatalité + décès dans les 7 premiers jours de vie), mortalité néonatale (décès survenus entre le jour 1 et le jour 28, parmi les enfants nés vivants) et mortalité post-néonatale (décès entre 29 et 365 jours).

Les informations indiquant si l'enfant était mort durant sa première année de vie n'étaient disponibles que jusqu'à fin 2003. Par conséquent, quand le critère examiné était les décès de nourrissons, nous n'avons inclus que les enfants nés avant la fin de l'année 2002.

Les données concernant les décès survenus au-delà de l'âge de 1 an étaient disponibles jusqu'à fin 2002. Quand nous avons étudié les décès survenus entre 1 an et 5 ans, nous n'avons inclus que les enfants nés avant la fin de l'année 2000. En utilisant une régression de Cox prenant l'âge en mois comme échelle principale de temps, nous avons suivi les enfants jusqu'à leur décès, jusqu'à leur cinquième anniversaire ou jusqu'au 31 décembre 2002 selon l'événement survenu en premier.

Nous avons pratiqué un ajustement sur l'âge maternel au moment de l'accouchement, le niveau d'études de la mère et le statut marital de la mère au moment de la naissance. Nous avons choisi ces covariables car elles étaient présentes dans le registre et parce que ce sont des facteurs prédictifs de prééclampsie, de mortinatalité et de mortalité dans l'enfance. Nous n'avions pas de données sur les indices de masse corporelle (IMC) avant la grossesse et les informations concernant le tabagisme durant la grossesse n'étaient indiquées qu'à partir de 1999; nous n'avons donc pas pu faire d'ajustement sur l'une ou l'autre de ces covariables.

Nous avons également mis au point des modèles de régression pour chaque critère de jugement pour l'ensemble de la période d'étude, avec ou sans terme d'interaction entre la période et la prééclampsie. Notre objectif était d'étudier les différences pouvant exister dans les associations estimées entre la prééclampsie et la mortalité (mortinatalité, décès de nourrissons, mortinatalité + décès de nourrissons et décès entre 1 an et 5 ans) sur les 3 périodes. Pour évaluer l'existence d'une interaction significative, nous avons utilisé un test du rapport de vraisemblance comparant le modèle incluant le terme d'interaction et celui de l'incluant pas.

En Norvège, les recherches effectuées sur des données de registre anonymes sont habituellement dispensées d'un examen par un comité d'éthique et de l'obligation de fournir des consentements éclairés. Cette étude a été considérée comme pouvant bénéficier de ces dispenses par le comité d'éthique médicale de l'Institut national norvégien de la Santé.


RÉSULTATS

L'échantillon d'analyse comprenait 770 613 grossesses sans prééclampsie et 33 835 grossesses avec prééclampsie (4,2 %).

Comme le montre la Figure 1, la mortinatalité comme le taux de décès de nourrissons étaient plus élevés dans les grossesses compliquées de prééclampsie, en particulier dans les années les plus anciennes du registre. La mortinatalité était plus fortement associée à la prééclampsie que le taux de décès des nourrissons et elle s'est plus améliorée au cours du temps. Ainsi que le montre la Figure 2, les déclenchements du travail et les césariennes avant 37 semaines d'aménorrhée révolues ont augmenté durant toute la période d'étude à la fois pour les grossesses compliquées de prééclampsies et pour les grossesses sans prééclampsie mais ces interventions ont été réalisées 10 fois plus souvent dans les grossesses avec prééclampsie. Malgré un nombre d'interventions plus élevé, le taux d'accouchement prématuré en cas de grossesse sans prééclampsie est resté stable au cours du temps. Il a cependant augmenté considérablement dans les grossesses compliquées de prééclampsies. La baisse spectaculaire de la mortinatalité liée à une prééclampsie semble avoir commencé quelques années avant l'augmentation du recours à l'interruption précoce des grossesses compliquées de prééclampsies.


Figure 1
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Figure 1.. Changements survenus en Norvège entre 1967 et 2002 dans la mortalité fœtale et infantile, en fonction de l'existence ou non d'une prééclampsie durant la grossesse.



Figure 2
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Figure 2.. Changements survenus en Norvège entre 1967 et 2002 dans la pratique des déclenchement avant terme, en fonction de l'existence ou non d'une prééclampsie durant la grossesse.


Le Tableau 1 montre les données divisées en 3 périodes. L'incidence des prééclampsies signalées pour les naissances d'enfants uniques et premiers-nés est passée de 3,1 % en 1967-1978 à 5,3 % en 1991-2003. L'incidence des naissances d'enfants mort-nés a été réduite de moitié entre la première et la dernière période en cas de grossesse sans prééclampsie tandis qu'elle était divisée par plus de 7 en cas de grossesse avec prééclampsie. L'augmentation du nombre d'accouchements prématurés était nette, avec un triplement des accouchements avant 32 semaines. Dans la période comprise entre 1991 et 2003, plus de 90 % des naissances prématurées en cas de prééclampsie faisaient suite à un déclenchement du travail ou à une césarienne, contre 60 % en 1967-1978. Sur l'ensemble des accouchements prématurés, les pourcentages associés à la prééclampsie étaient, respectivement pour les 3 périodes, de 6 %, 12 % et 17 %. L'âge gestationnel moyen au moment de la naissance n'a diminué que très légèrement pour les grossesses sans prééclampsie, passant de 282,1 jours en 1979-1990 à 281,6 jours en 1991-2003, alors que, pour les grossesses avec prééclampsie, il est passé de 277,1 jours en 1967-1978 à 274,2 jours en 1979-1990 et à 270,8 jours en 1991-2003.


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Tableau 1.. Issues des premières grossesses, compliquées ou non de prééclampsie, dans les 3 périodes de naissance*


Le Tableau 2 donne les odds ratios estimés de décès (classés de différentes manières) en cas de prééclampsie dans les 3 périodes d'étude. En 1967-1978, le risque de décès de l'enfant était beaucoup plus élevé en cas de prééclampsie durant la grossesse qu'en l'absence de prééclampsie, le risque de mort-né étant particulièrement important. Si pour les mort-nés, le sur-risque a diminué notablement au cours du temps, nous n'avons pas constaté d'amélioration analogue pour les décès postnatals.


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Tableau 2.. Risques relatifs bruts et ajustés de décès en cas de prééclampsie, par période de naissance*.


Nous avons étudié, sur les 3 périodes, les différences pouvant exister dans l'association entre prééclampsie et décès, pour différentes catégories de mortalité. Si le supplément de mortalité due à la prééclampsie diminuait significativement au cours du temps pour la mortinatalité et la catégorie regroupant mortinatalité et décès de nourrissons (p < 0,001), il n'y avait pas, pour la mortalité néonatale, les décès de nourrissons et les décès de jeunes enfants, de preuves statistiques de modifications du sur-risque entre les 3 périodes (p > 0,05 dans tous les cas).


COMMENTAIRES

En Norvège, pour les enfants premiers-nés, le risque de décès foetal ou infantile est plus élevé lorsqu'ils sont issus d'une grossesse compliquée de prééclampsie qu'en l'absence de prééclampsie durant la grossesse. Sur les 37 années étudiées, la survie de l'enfant en cas de prééclampsie s'est fortement améliorée du fait d'une importante réduction de la mortinatalité, ceci étant probablement le résultat d'une meilleure prise en charge clinique et d'interventions médicales bien ciblées. Lorsqu'on interrompt la grossesse avant son terme, on s'attend à ce que l'intervention abaisse le risque de naissance d'un enfant mort-né, en partie par le biais d'une réduction du temps d'exposition du foetus au risque. Une diminution de la mortinatalité s'est effectivement produite en Norvège. Potentiellement, un foetus qui risque d'être mort-né et qu'on a fait naître prématurément peut décéder peu de temps après la naissance. Néanmoins, malgré l'augmentation des accouchements prématurés dans les grossesses compliquées de prééclampsie, il n'y a pas eu en contrepartie d'augmentation de la mortalité néonatale, ce qui reflète probablement une amélioration globale au cours du temps des soins apportés aux enfants prématurés. Dans la période 1967-1978, plus de 25 % des enfants nés avant 34 semaines révolues mouraient dans la période néonatale; dans la période 1991-2003, ils ne sont plus que 5 %. Nous ne pouvons cependant pas exclure la possibilité qu'il y ait eu une augmentation de la morbidité chez les nourrissons et les jeunes enfants nés très prématurément, de même que nous ne pouvons pas étudier cet aspect du problème avec les données présentes.

Cette étude est basée sur un important ensemble de données s'étendant sur plus de 30 ans, avec une évaluation complète des décès survenus après la naissance et une évaluation quasiment complète des naissances d'enfants mort-nés.8 La définition de la prééclampsie est restée quasiment inchangée au cours de la période d'étude; plus précisément, on ne considère pas dans la pratique médicale norvégienne qu'une femme ayant une hypertension artérielle et des œdèmes mais pas de protéinurie à une prééclampsie.11 L'augmentation des prééclampsies au cours du temps est peut-être un reflet de l'augmentation de l'IMC survenue ces dernières années12 mais elle peut également indiquer une amélioration dans le signalement de la pathologie. Les changements survenus en 1998 dans le Registre médical des naissances, avec un signalement débutant à partir de la 12e semaine d'aménorrhée, peuvent avoir contribué (en même temps que l'amélioration de la surveillance prénatale) à un signalement plus complet des prééclampsies légères, ce qui pourrait partiellement expliquer les améliorations observées dans les issues de ces grossesses. La chute de la mortinatalité est cependant trop importante pour être expliquée entièrement par d'éventuelles évolutions dans les diagnostics. Nous avons fait une estimation de la mortinatalité pour la période 1991-2003 après exclusion des naissances survenues en 1998 (date de révision du formulaire de notification) et au-delà et nous avons obtenu un OR similaire (1,43 au lieu de 1,34).

La surveillance prénatale avait cours dans tout le pays pendant toute la période d'étude et la prééclampsie est facilement diagnostiquée par des méthodes de dépistage systématiques et non effractives. La précocité du diagnostic de prééclampsie dépend surtout du moment où la femme commence la surveillance prénatale et moins des outils utilisés pour le diagnostic. Si nous n'avons pas d'arguments nous permettant de penser que les femmes commencent la surveillance prénatale plus tôt, nos analyses suggèrent cependant que les actions entreprises durant la grossesse le sont plus précocement comme le montre l'augmentation du pourcentage d'accouchement prématuré dans les grossesses compliquées de prééclampsie. Nous n'avions pas d'informations concernant le moment du diagnostic de prééclampsie au cours de la grossesse. Cependant, même en supposant que le diagnostic ait été plus porté plus tôt ces dernières années (conduisant donc à une meilleure détermination parmi l'ensemble des femmes ayant accouché prématurément), un tel changement de classification ne peut de manière plausible expliquer l'augmentation marquée au cours du temps du taux d'accouchement prématuré dans les grossesses avec prééclampsie.

Nous manquons de données sur les facteurs de confusion potentiellement importants, tels que l'IMC et le tabagisme maternel, qui sont associés à la fois à la prééclampsie et à la mortalité. Les informations concernant le tabagisme sont enregistrées depuis 1999 mais les IMC ne sont pas notés dans le registre. Le niveau d'études et le statut marital peuvent peut-être se substituer partiellement à ces facteurs dans la mesure où les couples mariés ou vivant en concubinage avaient un risque plus élevé de prééclampsie (reflétant peut-être une plus faible prévalence du tabagisme) que les couples ne cohabitant pas, tandis qu'un niveau d'études plus élevé (qui est peut-être corrélé à un IMC plus faible) était négativement associé à la prééclampsie. Naturellement, les associations constatées avec ces facteurs étaient plus faibles que celles attendues avec l'IMC et le tabagisme. Un ajustement sur ces covariable de remplacement n'a eu néanmoins quasiment aucun impact sur les estimations, même si elles étaient associées à la fois à la prééclampsie et aux décès. Le tabagisme durant la grossesse, qui est un facteur protecteur de prééclampsie, 13 a diminué en Norvège au cours de la période d'études; il est passé, dans une enquête, de 32 % en 1970 à 27 % en 199114 et, dans une autre, de 34 % en 1987 à 22 % en 1994.15 Cette tendance peut avoir contribué légèrement à l'augmentation du taux de prééclampsie que nous avons observée et à la baisse de la mortinatalité et des décès de nourrissons.

Nous n'avons fait d'ajustement dans nos analyses ni sur l'âge gestationnel au moment de l'accouchement ni sur le poids de naissance. La prééclampsie est une cause d'accouchement prématuré (soit spontané soit par intervention médicale) et le moment de l'accouchement est associé au risque de décès. L'âge gestationnel à l'accouchement vient donc en partie de l'exposition et ne doit par conséquent pas être traité comme un facteur de confusion. Ajuster sur ce facteur pourrait en fait produire un biais.16,17 De même, les analyses ne doivent pas être ajustées sur le poids de naissance qui fait partie de la même chaîne causale.

Les données que nous avons examinées étaient spécifiques à la Norvège et nos conclusions ne sont donc pas nécessairement généralisables à d'autres pays. Il est cependant probable qu'on constaterait des schémas similaires dans les pays industrialisés comparables d'un point de vue des interventions obstétricales et des structures de prise en charge des grands prématurés.

Alors que nos données suggèrent fortement que les fœtus (et sans doute les mères) ont tiré un bénéfice des interventions médicales réalisées dans le cadre de la prise en charge des prééclampsies, ce résultat n'implique pas en soi qu'une interruption précoce de la grossesse soit justifié; des facteurs autres que cette interruption précoce ont probablement également contribué à ce bénéfice. Le fait que la baisse de la mortinatalité semble avoir précédé l'augmentation des interruptions précoces des grossesses compliquées de prééclampsie suggère la possibilité que d'autres changements survenus dans la prise en charge clinique de la prééclampsie aient amélioré la survie foetale. Une grande partie des tendances favorables que nous avons constatées en Norvège peuvent être dues à l'utilisation judicieuse du monitorage foetal pour guider les choix cliniques et à l'utilisation des corticoïdes pour accélérer la maturation pulmonaire des enfants prématurés.4 Les médecins se trouvent devant un réel dilemme lorsqu'ils doivent mettre en balance le risque de décès foetal/néonatal/maternel dû à la prééclampsie et le risque augmenté de décès lié à un accouchement prématuré. Nos données suggèrent que, tout au moins en Norvège, toutes ces décisions ont nettement travaillé à l'avantage de l'enfant, tout en assurant un taux de mortalité maternelle faible.18

En résumé, si la prééclampsie était une cause importante de mort foetale en Norvège à la fin des années 1960 et tout au long des années 1970, cet effet est sur le déclin. Alors que la mortinatalité était 4,2 fois plus élevée en cas de prééclampsie, elle n'est maintenant que 1,3 fois plus élevée. La prééclampsie confère toujours un risque 2 fois plus élevé de décès néonatal, ce risque ayant peu changé au cours du temps. Cette stabilité du risque néonatal est remarquable si l'on considère l'augmentation du nombre d'accouchements très prématurés ces dernières années, conséquence d'une prise en charge obstétricale intensive de la prééclampsie. La prise en charge médicale moderne de la prééclampsie semble avoir été efficace pour prévenir la mort foetale sans entraîner d'augmentation des décès maternels ou infantiles.


Informations sur les auteurs

Correspondance: Olga Basso, PhD, Epidemiology Branch, MD A3-05, National Institute of Environmental Health Sciences, National Institutes of Health, Department of Health et Human Services, PO Box 12233, 111 TW Alexander Dr, Research Triangle Park, NC 27709 (bassoo2{at}niehs.nih.gov).

Contributions des auteurs: le Dr Basso a eu un accès complet à toutes les données de l'étude et accepte la responsabilité de l'intégrité des données et de l'exactitude de l'analyse des données.

Conception et schéma de l'étude: Basso, Rasmussen, Weinberg, Wilcox, Irgens, Skjaerven.

Recueil des données: Irgens, Skjaerven.

Analyse et interprétation des données: Basso, Rasmussen, Weinberg, Wilcox, Irgens, Skjaerven.

Rédaction du manuscrit: Basso, Rasmussen.

Revue critique du manuscrit: Basso, Rasmussen, Weinberg, Wilcox, Irgens, Skjaerven.

Analyse statistique: Basso, Rasmussen, Weinberg, Irgens, Skjaerven.

Aide administrative, technique, ou matérielle: Irgens, Skjaerven.

Liens financiers: aucun déclaré.

Financement/Soutien: cette recherche a bénéficié du soutien partiel du Intramural Research Program of the NIH, National Institute of Environmental Health Sciences.

Rôle du sponsor: aucun financement spécial n'a été utilisé pour cette étude. A part les habituelles déclarations internes aux publications, les institutions des auteurs n'ont joué aucun rôle dans le schéma et la conduite de l'étude, le recueil, le contrôle, l'analyse et l'interprétation des données, de même que dans la préparation, la revue ou l'approbation du manuscrit.

Affiliations des auteurs: Epidemiology Branch (Drs Basso et Wilcox) et Biostatistics Branch (Dr Weinberg), National Institute of Environmental Health Sciences, National Institutes of Health, Department of Health et Human Services, Research Triangle Park, NC; Medical Birth Registry of Norway, Locus of Registry-Based Epidemiology, University of Bergen, et Norwegian Institute of Public Health, Bergen (Drs Rasmussen, Irgens, et Skjaerven); Institute of Clinical Medicine, Department of Obstetrics and Gynaecology, University of Bergen (Dr Rasmussen).


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