Contexte On sait que des médecins ont pris part à des
abus contre les Droits de l'Homme en Irak durant le régime baassiste de
Saddam Hussein, mais la nature et l'importance de cette participation ne sont
pas correctement documentées.
Objectifs Définir la nature de la participation des
médecins dans la violation des Droits de l'Homme, identifier les
facteurs structuraux qui facilitaient leur participation et évaluer les
approches pour rapporter et prévenir toute future participation de
médecins à ces abus.
Schéma, environnement et participants Enquête
spontanément remplie en juin et juillet 2003 par un échantillon
de 98 médecins et à l'aide d'interrogatoires
semi-structurés de directeurs d'hôpital et de médecins
dans trois hôpitaux majeurs ayant des unités de chirurgie
générale dans deux villes du Sud de l'Irak.
Critère principal de jugement Rapports sur la participation
de collègues et rapports sur sa propre participation à des
violations des Droits de l'Hommes en Irak depuis 1988.
Résultats La majorité des participants étaient
masculins (88% [86/98]) et de confession shiites (97% [95/98]). Les
répondeurs ont rapporté en moyenne avoir une pratique de 6,8
années. Au total, 71% des répondeurs (65/91) ont rapporté
que la torture était un problème extrêmement
répandu en Irak depuis 1988. Ces répondeurs indiquaient que,
depuis 1988, leurs collègues médecins avaient été
globalement extrêmement ou en partie impliqués dans des
violations des Droits de l'Homme pour 50% (42/83) concernant des amputations
non thérapeutiques des oreilles comme punition, 49% (39/79) pour des
falsifications de rapports médico-légaux de torture et pour 32%
(25/78) pour des falsifications de certificats de décès. Un
nombre moins important de répondeurs a rapporté (extrêmes,
n = 2 à 6) leur propre participation à ces violations. Plus de
la moitié (52% [48/92]) indiquaient que les médecins ne
participaient pas volontairement à ces violations; 93% (52/71) que les
forces paramilitaires feddayines de Saddam étaient responsables de
l'initiation de la complicité des médecins. La peur de
représailles pour soi-même ou pour les membres de sa famille
était une explication fréquente de cette complicité. Les
répondeurs ont rapporté que les médecins qui refusaient
de participer aux tortures étaient confrontés à des
conséquences comme la perte de leur emploi, l'emprisonnement, la
torture ou leur disparition. Les répondeurs rapportaient que des
mesures préventives devraient être prises pour empêcher les
médecins d'être impliqués dans de futures violations,
telles qu'accroître l'éducation des médecins sur les
Droits de l'Homme et l'éthique (99% [79/80]), prendre des mesures
légales pour assurer un suivi efficace (97% [73/75]), appliquer des
sanctions punitives vis-à-vis des médecins qui commettent ces
abus (96% [77/80]) et s'assurer de l'indépendance des médecins
vis-à-vis des autorités (95% [76/80]).
Conclusions Bien que n'étant pas généralisable
en dehors du groupe de participants à cette étude, les
résultats de celle-ci suggèrent que, chez ceux ayant
participé à l'enquête, la participation à des
violations des Droits de l'Homme incluait la falsification des rapports
médico-légaux sur des cas supposés de torture, les
mutilations physiques comme punition et la falsification des certificats de
décès. L'Irak se rebâtissant, il est essentiel que ce pays
puisse résoudre ces violations et prenne des mesures pour
empêcher les médecins d'être complices de ces violations
des Droits de l'Homme.
JAMA. 2004;291:1480-1486.