Contexte La relation entre l'utilisation des antidépresseurs,
en particulier les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la
sérotonine et les idées et comportements suicidaires a
attiré récemment l'attention du public. L'utilisation de ces
traitements chez les adolescents préoccupe particulièrement.
Objectif Evaluer les risques relatifs (RR) de comportement
suicidaire non mortel chez des patients débutant un traitement avec un
antidépresseur parmi trois antidépresseurs par rapport à
des patients commençant un traitement avec la dothiépine.
Schéma et contexte Etude appariée cas-témoins
chez des patients traités en médecine générale au
Royaume Uni à l'aide de la base de données UK General Practice
Research Database entre 1993 et 1999.
Participants La population initiale incluait 159 810 patients ayant
reçu un antidépresseur parmi un ensemble de 4
antidépresseurs. Les participants pouvaient avoir reçu seulement
un de ces quatre antidépresseurs et devaient avoir eu au moins une
prescription de l'antidépresseur étudié au cours des 90
jours précédant la date d'inclusion (date index: date du
comportement ou des idées suicidaires pour les cas ou la même
date pour les témoins appariés).
Principaux critères de jugement Fréquence de la
première exposition à l'amitriptyline, à la
fluoxétine, la paroxétine et la dothiépine chez des
patients ayant un diagnostic enregistré pour la première fois de
comportement suicidaire non fatal ou de suicide par rapport à des
patients comparables qui n'avaient pas eu de comportement suicidaire.
Résultats Après ajustement sur l'âge, le sexe,
la date calendaire et le délai ente la première prescription de
l'antidépresseur jusqu'au commencement du comportement suicidaire, les
risques relatifs de comportement suicidaire non mortel des 555 cas et des 2
062 témoins ont été de 0,83 (intervalle de confiance
à 95 % [IC]: 0,61-1,13) pour l'amitriptyline, 1,16 (IC 95 %: 0,90-1,50)
pour la fluoxétine et de 1,29 (IC 95 %: 0,97-1,70) pour la
paroxétine par rapport à ceux utilisant la dothiépine. Le
RR de comportement suicidaire chez les patients ayant reçu pour la
première fois un antidépresseur 1 à 9 jours avant la date
index date a été de 4,07 (IC 95 %: 2,89-5,74) par rapport aux
patients ayant reçu pour la première fois un
antidépresseur 90 jours ou plus avant la date index. Le temps
écoulé depuis la première prescription d'un
antidépresseur n'a pas été, cependant, un
élément confondant pour la relation entre les
antidépresseurs spécifiques et le comportement suicidaire, car
sa relation au comportement suicidaire n'était pas
matériellement différente parmi les utilisateurs des quatre
antidépresseurs. De même pour les suicides suivis de
décès, le RR chez les patients qui avaient reçu pour la
première fois un antidépresseur 1 à 9 jours avant la date
index, était de 38,0 (IC 95 %: 6,2-231) par rapport à ceux qui
avaient reçu pour la première fois un antidépresseur 90
jours ou plus avant la date index. Il n'y a pas eu d'associations
significatives entre l'utilisation d'un antidépresseur particulier et
le risque de suicide.
Conclusions Le risque de comportement suicidaire après
instauration d'un traitement antidépresseur est similaire chez les
utilisateurs d'amitriptyline, de fluoxétine et de paroxétine par
rapport au risque chez les utilisateurs de dothiépine. Le risque de
comportement suicidaire augmente le premier mois après avoir
débuté le traitement antidépresseur, en particulier du
1er au 9ème jour. Une faible augmentation du
risque (signification statistique limite) est possible chez ceux
débutant le plus récent des antidépresseurs, la
paroxétine, mais son importance pourrait être due à un
élément confondant non ajusté lié à la
sévérité de la dépression. En se basant sur des
informations limitées, nous avons également conclu qu'il n'y a
pas de différence importante concernant l'effet des 4 traitements chez
les patients âgés de 10 à 19 ans.
JAMA. 2004;292:338-343.