David Alfaro Siqueiros appartient à ce type d'homme dont on dit
qu'ils ont traversé leur siècle, mais qu'ils ont fait son
histoire.
La vie mouvementée de ce peintre mexicain de grand talent est
née de l'union des passions et des révolutions du monde de cette
époque. C'est aussi celle de la rencontre avec les grandes figures et
les grands événements qui ont agité le monde avant la
deuxième guerre mondiale.
De la révolution mexicaine contre le Général Huerta
à la guerre civile d'Espagne en passant par les mouvements
syndicalistes qui ont secoué les Etats-Unis avant 1940, Siqueiros
était partout.
Comme de nombreux intellectuels et artistes de son époque, il a cru
que le communisme allait libérer l'homme. On connaît la
suite.
Lorsqu'il reçoit le Prix Lénine pour la paix en 1966, il
devient immédiatement à nos yeux suspect de collaboration avec
une institution répressive. Ce prix décerné à des
étrangers socialement fréquentables par les autorités
soviétiques a certes été décerné à
des personnalités bien diverses, de Louis Aragon à Pablo
Picasso, mais quand on voit que ces artistes (qui ne sont pas un gage
d'ailleurs de réalisme politique voire de vérité
politique) ont côtoyé des noms comme Fidel Castro ou Joseph
Nkrumah, dictateurs bien connus et bien loin du respect des Droits de l'homme,
on ne peut que se dire qu'en dépit d'un élan social
généreux et bien compréhensible à son
époque, Siquieros aurait pu se passer de cette « légion
d'honneur » soviétique qui n'a rien ajouté à son
talent.
Siqueiros est l'un des grands peintres mexicains du réalisme social,
un peintre de fresques murales gigantesques comme tant d'autres avec lui,
Diego Rivera, José Clemente Orozco ou Rufino Tamayo. C'est au
début des années 20, qu'il parcourt l'Europe pour y apprendre
son art, France, Belgique, Espagne et Italie l'accueille sans le voir, mais
lui apprend et en retour peint sur les murs la souffrance et le combat. C'est
en Amérique du Sud, terre de passions que s'exprime son talent, mais
aussi aux Etats-Unis et enfin, comme il se doit, en Union
Soviétique.
Sa formation, Siquieros la doit donc autant aux écoles de peinture
qu'au goût de la lutte et à sa soif de justice. N'a-t-il pas,
dès l'âge de 11 ans, participé à des grèves,
ne s'est-il pas battu aux Etats-Unis pour le Droit Social, n'est-il pas
allé faire le coup de feu en Espagne en 1936? Bref son inspiration est
dans la chaleur, le bruit, la mitraille et le sang plutôt que dans
l'expression d'une nature passive et figurative. Pour cet homme de la
renaissance mexicaine, ce qui compte, c'est de mettre son art au service du
peuple, c'est de décrire par les images des sensations mieux rendues
que par des mots. Le choc de l'image est ici prépondérant et le
commentaire superflu.
Cet homme qui jaillit sur la peinture que nous présentons, c'est
« l'énorme colonel », Siquieros lui-même,
affublé d'un nom de guerre gagné durant la guerre d'Espagne. Il
a la main ouverte et tendue, plus violente que suppliante, d'une puissance
extrême. Elle est prolongée par les muscles du bras et de
l'avant-bras synonymes de force et d'un regard qui nous fixe et nous
interroge. Dans ce tableau, c'est au travers de Siquieros le peuple qui
interroge et commande, c'est aussi le peuple qui exige. On lui prend, mais il
sait rendre coup pour coup. Tous les tableaux de Siquieros sont peints avec
cette force propre au réalisme social, qui met l'homme en valeur et lui
donne la puissance écrasante nécessaire pour surmonter les
injustices du monde ou pour conquérir l'avenir et la
planète.
On sait ce qu'il advint du communisme, lorsque le mur s'écroula.