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  Vol. 298 No. 11, 19 septembre 2007 TABLE OF CONTENTS
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Dépistage des porteurs de la maladie de Gaucher

Des leçons sur les maladies traitables à faible pénétrance.

Shachar Zuckerman, MSc; Amnon Lahad, MD, MPH; Amir Shmueli, PhD; Ari Zimran, MD; Leah Peleg, PhD; Avi Orr-Urtreger, MD, PhD; Ephrat Levy-Lahad, MD; Michal Sagi, PhD


RÉSUMÉ

Contexte L'objectif du dépistage des individus porteurs est de prévenir la naissance d'enfants affligés de maladies génétiques sévères, sans traitements connus, en identifiant à l'avance les couples à risque et en fournissant à ces couples plusieurs alternatives en cas de grossesse affectée. La maladie de Gaucher (MG) est une maladie de surcharge lysosomale à transmission autosomique récessive, fréquemment rencontrée chez les juifs ashkénazes. Le dépistage de la MG est discutable car la MG de type 1 est souvent asymptomatique et des traitements existent. Néanmoins, il est proposé presque partout aux juifs ashkénazes, depuis 1995 en Israël.

Objectifs Etudier la portée et les implications du dépistage de la MG à l'échelle nationale.

Conception, cadre et participants Tous les centres de génétique moléculaire en Israël ont fourni des données sur les individus dépistés, le nombre de porteurs identifiés, le nombre de couples porteurs identifiés, et les mutations identifiées chez ces couples, entre janvier 1995 et le 31 mars 2003. Les couples porteurs ont répondu à un questionnaire téléphonique portant sur les critères de jugement, entre le 21 janvier et le 31 août 2004.

Critères de jugement principaux La portée du dépistage (nombre de centres d'examen, d'individus dépistés, et de couples porteurs), le processus de dépistage (type de consultation avant et après les tests), et les implications du dépistage (recours au diagnostic prénatal et interruption de grossesse).

Résultats Entre le 1er janvier 1995 et le 31 mars 2003, 10 des 12 centres de génétique moléculaire (83%) en Israël proposaient le dépistage des porteurs sains. La proportion de porteurs était de 5.7% et 83 couples porteurs ont été identifiés sur un nombre estimé de 28 893 individus testés. Quatre-vingt deux couples présentaient un risque d'avoir un enfant avec une MG de type 1, parmi lesquels 72 (85%) présentaient un risque d'avoir un enfant asymptomatique ou avec une maladie bénigne et 12 (15%) d'avoir un enfant modérément affecté. A la période post-dépistage, 90 grossesses ont eu lieu chez 65 des couples participants et un diagnostic prénatal a été réalisé pour 68 d'entre eux (76%), permettant l'identification de 16 foetus avec MG (24%). Une interruption de grossesse a été pratiquée dans 2 des 3 cas (67%) où un pronostic de maladie modérée avait été établi. Il y a eu beaucoup moins d'interruptions de grossesse chez les couples qui ont reçu à la fois un conseil génétique et le conseil d'un expert médical sur la MG (1 sur 13[8%] vs 3 sur 3 en absence de conseils médicaux [100%], P=.007).

Conclusions Dans cette étude menée sur le dépistage de la MG chez les juifs ashkénazes en Israël, la majorité des couples a préféré poursuivre une grossesse affectée, bien que le dépistage ait été associé à quelques interruptions de grossesses. Le bénéfice potentiel principal était de permettre aux couples de prendre des décisions informées. La divergence entre ces résultats et les objectifs fixés dans les programmes de dépistage va vraisemblablement soulever des questions sur le dépistage des maladies à faible pénétrance.

JAMA. 2007;298(11):1281-1290


Le dépistage des porteurs peutéduire le fardeau des maladies génétiques, en particulier chez les populations où des maladies ont des fréquences particulièrement élevées.1,2 Bien que réalisé généralement pour des maladies sévères, sans traitement connu, le dépistage des porteurs sains est également proposé pour des maladies moins sévères mais de prévalence importante. Peu d'informations sont disponibles sur ses implications alors que cette pratique tend à se généraliser. Nous proposons le dépistage de la maladie de Gaucher (MG) de type 1 comme modèle pour les dépistages des maladies à faible pénétrance et présentons ici les résultats du programme de dépistage israélien.

Le dépistage des porteurs sains pour des maladies fréquentes chez les juifs ashkénazes existe depuis plusieurs années et fait suite au succès du dépistage de la maladie de Tay-Sachs, mis en place dans les années soixante-dix et qui a conduit à une réduction de 90% de l'incidence de cette maladie fatale.4 Le panel de maladies dépistées s'est depuis considérablement élargi. Le dépistage de la mucoviscidose et de la MG a été mis en place à New York depuis 19945 et en Israël depuis 1995. La maladie de Canavan, la dysautonomie familiale, et des maladies plus rares (anémie de Fanconi, syndrome de Bloom) ont été rajoutées plus tard. Aujourd'hui les dépistages couramment proposés aux couples juifs ashkénazes comptent 14 maladies à transmission autosomique récessive.6,7

La maladie de Gaucher est la pathologie la plus fréquemment rencontrée, avec 6% de porteurs chez les juifs ashkénazes contre 0.7 à 0.8% dans les populations non-juives.9,10 La recherche de 4 mutations présentes dans le gène de la glucocérébrosidase (GBA) (N370S, 84insG [couramment nommée 84GG], L444P, et IVS2DS+1G-A [couramment nommée IVS2+1]) permet d'identifier au moins 96% des porteurs chez les juifs ashkénazes11 et peut-être 75% des porteurs dans les populations non-juives.8 La maladie est causée par un défaut de l'activité glucocérébrosidase, provoquant l'accumulation de glucosyl-céramides dans plusieurs organes.12

Dans la MG de type 1, les manifestations sont essentiellement (1) viscérales, incluant l'hépatomégalie, la splénomégalie, et la thrombopénie, qui conduisent à des états de fatigue, des gênes, des infections, des saignements, des hémorragies, et (2) des maladies osseuses incluant douleurs (aigües ou chroniques), crises osseuses, et nécroses avasculaires. Dans la MG de type 2/3, extrêmement rare, il y a également une atteinte progressive du système nerveux central.12

La mutation N370S, la plus communément rencontrée dans la MG chez les juifs ashkénazes, exclut une atteinte neurologique et conduit à une MG de type 1 dont l'expression phénotypique est extrêmement variée, pouvant aller d'une maladie symptomatique pendant l'enfance à un état asymptomatique tout au long d'une vie.12

Afin de simplifier la terminologie utilisée, la présence de 2 mutations peu sévères était considérée comme conduisant à un état asymptomatique ou une pathologie bénigne et une hétérozygotie composée pour une mutation sévère et une mutation peu sévère comme conduisant à une pathologie sévère. Les mutations peu sévères incluent N370S, RecTL, et R496H. Les mutations sévères incluent 84insG, L444P, IVS2DS+1G-A, et V394L. C'est une vision généraliste, car il n'y a pas de corrélation précise entre le phénotype et le génotype. Selon les estimations, 90% des homozygotes N370S sont faiblement affectés ou même asymptomatiques.13,14 La prévalence observée de la MG est beaucoup plus faible que celle attendue si on se base sur la proportion de porteurs chez les juifs ashkénazes,13 et une homozygotie non suspectée pour la N370S est souvent détectée pendant les dépistages de porteurs sains.8,13 Les expressions plus sévères sont généralement associées à une hétérozygotie composée pour N370S et une mutation sévère (84insG, L444P, IVS2DS+1G-A, ou V394L).12,15

Toutefois, le génotype en lui-même n'est pas suffisant dans la MG de type 1 pour prédire l'évolution clinique d'un individu. Dans les cas symptomatiques, l'enzymothérapie substitutive a une efficacité très élevée16,17 mais a un coût très important (75 000$-100 000$ par an en Israël [environ 200 000$ par an aux Etats-Unis]18), et les inhibiteurs oraux ont récemment passé la phase de validation clinique.19

Bien que la MG de type 1 soit fréquente et la sensibilité des tests élevée, le dépistage demeure l'objet d'un débat du fait de la non sévérité de la maladie, de l'existence de traitements, et l'imprécision des tests de prédiction sur la sévérité de la maladie. Les critères de l'Organisation Mondiale pour la Santé pour mettre en place un programme de dépistage nécessite entre autre que la maladie soit un problème de santé majeur et que son histoire naturelle soit suffisamment comprise.3,20,21 La divergence entre le dépistage de la MG et ces conditions a plusieurs conséquences cliniques: il est compliqué d'apporter un conseil génétique aux couples porteurs et les décisions sur les diagnostics prénataux et les interruptions de grossesses ne peuvent être prises facilement. Les couples peuvent légitimement mettre en question la nécessité de dépister une maladie peu sévère, ayant des traitements connus, et des préoccupations peuvent naître chez les couples qui ont eu des enfants avant le dépistage concernant leurs enfants jusqu'alors en bonne santé.22 Le dépistage peut également identifier des individus asymptomatiques qui peuvent être amenés à passer des examens inattendus.

Des comités d'experts aussi bien en Amérique du nord qu'en Israël se sont penchés sur ces questions. Le Technology Assessment Panel on Gaucher Disease de 1996 de l'Institut National de la Santé américaine avait conclut que "le dépistage des porteurs dans la population générale n'est pas appropriée aujourd'hui", et ont suggéré l'intérêt d'études pilotes sur les programmes de dépistage pour évaluer leur acceptabilité.23 Les directives 2006 de la Société des Obstétriciens et Gynécologues du Canada et du Collège Canadien des Généticiens Médicaux sur le dépistage des juifs ashkénazes vont à l'encontre du dépistage du fait de la "faible corrélation génotype/phénotype".24 Une position similaire a été adoptée par un conseil consultatif du Ministère de la santé israélienne,25 et une publication illustrant cette position a été publiée par l'Association des médecins généticiens israéliens en 2004. Malgré ces prises de position formelles, le dépistage de la MG reste pourtant largement proposé aussi bien aux Etats-Unis qu'en Israël.6,7,26-29

Il y a une carence de données sur les implications du dépistage concernant le recours au diagnostic prénatal et l'interruption des grossesses affectées. Nous n'avons trouvé aucun rapport sur les implications du dépistage dans le cadre de la pratique clinique. Deux études pilotes menés à New York,5,30 évaluant l'extension du dépistage de la maladie de Tay-Sachs chez les juifs ashkénazes à un triple dépistage comprenant la mucoviscidose et la MG ont identifié 8 couples porteurs de la MG: 1 couple (avec un fœtus non affecté) sur 1000 individus testés,5 et 7 couples dans une étude clinique sur 1882 couples ashkénazes, menée dans une population "instruite et se préoccupant de sa santé" pouvant être informée sur trois maladies et non pas 12 ou plus comme c'est le cas aujourd'hui.

Nous présentons ici une étude à l'échelle nationale des résultats des dépistages des porteurs de la MG réalisés en Israël. Nos objectifs étaient d'évaluer plusieurs aspects du dépistage: sa portée, la mise en œuvre (données avant et après les tests et conseils génétiques), et les bilans des dépistages, en particulier sur le recours au diagnostic prénatal et à l'interruption de grossesse. Nous discutons des implications des programmes existants ou futurs de dépistage des maladies peu sévères, à faible pénétrance et de traitement connu en prenant comme modèle le dépistage de la MG.


METHODES

Collecte des données

Le directeur de chaque centre de génétique moléculaire en Israël a été contacté personnellement par un des deux enquêteurs principaux (M.S et E.L.-L) entre janvier 2003 et juin 2003. L'étude leur a été décrite en détails en soulignant les objectifs précédemment cités. Les centres proposant un dépistage de la MG ont décrit leur protocole, fourni leur plaquette d'information, et fourni le détail des thèmes abordés avec les couples porteurs. Ils ont également fourni des données sur le nombre d'individus testés, le nombre de porteurs identifiés, et les mutations identifiées dans ces couples.

Recherches de mutation

Quatre mutations GBA (N370S, 84insG, IVS2DS+1G-A, et L444P) sont impliquées chez au moins 96% des porteurs de la MG chez les ashkénazes11 et sont comprises dans tous les panels de dépistage de la MG.27-37 La mutation L444P peut être une mutation isolée ou faire partie d'une mutation du complexe RecTL qui compte 4 mutations ponctuelles (D409H, L444P, A456P, et V460V). De ce fait, le test pour le L444P permet à la fois d'isoler les porteurs L444P et RecTL, qui sont ensuite distingués avec des tests ciblant les autres mutations associées à RecTL (ex: D409H).8 Sur 1208 ashkénazes sains testés dans une étude antérieure,8 90.8% étaient des porteurs de N370S, 3.9% de 84insG, 1.3% de RecTL; la L444P isolée et l'IVS2DS+1G-A n'ont pas été observées. L'IVS2DS+1G-A était également absente dans une étude menée sur 3764 ashkénazes sains, démontrant que les individus porteurs sont extrêmement rares (intervalle de confiance 95%, 0%-0.05%). Parmi les patients ashkénazes ayant une MG de type 1, 2 autres mutations ont été fréquemment observées (V394L15 et R496H32). La mutation V394L est présente chez 1.7% à 2.6% des patients ashkénazes ayant une MG de type 1, 8,15 mais peu fréquente dans les contrôles (proportion de porteurs 0 sur 1208 individus sain8, intervalle de confiance 95%, 0%-.24%). La mutation R496H 32 est encore moins sévère que la N370S 32 et la fréquence de porteurs est de 0.44% (21 sur 4734 individus sains),33 d'où certaines recommandations pour ne pas l'inclure dans les dépistages.32

Classification de la sévérité de la MG de type 1

Selon leur génotype, les couples et les fœtus avec MG de type 1 ont été classés comme ayant un risque d'avoir une maladie bénigne ou asymptomatique ou d'avoir une maladie modérée. Cette classification est basée sur des études précédemment publiées,12,15,32,24 dont la plupart utilisaient l'index de sévérité de Zimran.35.36 Une maladie bénigne était définie comme ayant un faible score de sévérité, ou en Israël, ne remplissant pas au moins un des 10 critères pour une enzymothérapie substitutive.37 La maladie modérée était définie comme ayant un score de sévérité plus élevé, ou en Israël, remplissant les critères pour l'enzymothérapie. Environ 90% des patients ayant une maladie modérée peuvent nécessiter une enzymothérapie substitutive, en générale à l'entrée de l'âge adulte.14,18

Participants

Les personnes dépistées pour la MG se sont toutes présentées comme étant entièrement ou partiellement ashkénazes. Dans tous les centres, les personnes fournissaient le lieu de naissance de leurs 4 grands-parents ou leurs origines ethniques s'ils étaient nés en Israël. Un individu entièrement ashkénaze était défini comme ayant tous ses grands-parents nés en Europe ou d'origine ashkénaze, et un individu partiellement ashkénaze était défini comme ayant 1 à 3 grands-parents remplissant ces critères.

Tous les centres informaient les porteurs identifiés par eux de l'étude (83 couples éligibles entre le 1er janvier 1995 et le 31 mars 2003). Les couples recevaient une lettre de deux pages avec l'en-tête du centre où ils avaient fait le dépistage. La première page, signée par le directeur de l'établissement, informait les couples sur l'existence d'une étude nationale portant sur le dépistage de la MG et ayant comme objectif d'observer les programmes de dépistage ainsi que leurs implications et impacts. La lettre mentionnait que tous les participants seraient des porteurs de la MG, identifiés dans les centres génétiques à l'échelle nationale, que l'étude inclurait un entretien téléphonique, et que la confidentialité serait maintenue. Il était également mentionné que l'étude était conduite par les hôpitaux Shaare Zedek et Hadassah, à Jérusalem, en collaboration avec tous les centres de génétique moléculaire en Israël, et était coordonnée par un coordinateur d'étude (S.Z).

Les personnes étaient invitées à retourner un formulaire de refus (la deuxième page de la lettre) et informées qu'à défaut du renvoi, elles seraient contactées par le coordinateur d'étude (S.Z) pour discuter de leur participation. Il était indiqué que même en cas de non-renvoi du formulaire, elles demeuraient libres de notifier leur refus de participer lors du contact téléphonique. Le formulaire a été validé séparément par deux comités de surveillance. Il portait la mention: "Si vous n'êtes pas intéressé de participer, veuillez renvoyer ce formulaire à (contact du centre)", et les personnes devaient indiquer leur nom. Ce formulaire devait être renvoyé au centre ou le couple a passé ses tests. Les centres communiquaient ensuite au coordinateur d'étude (S.Z) les noms et les contacts des seules personnes qui n'ont pas renvoyées le formulaire de refus. Les couples consentants (72 des 83 couples qui n'ont pas retourné le formulaire et qui avaient des adresses valides) ont été contactés par le coordinateur d'étude (S.Z) et informés plus en détails de l'étude.

L'entretien téléphonique reprenait les informations citées ci-dessus (les personnes étaient informées de l'objet, à savoir leur participation à une étude nationale sur le dépistage de la MG suite à leur identification comme étant un couple porteur). Ils étaient également informés que la participation comprendrait un entretien téléphonique et qu'ils étaient tout à fait libres de refuser. Les couples intéressés ont reçu des formulaires de consentement et ont été recrutés seulement après réception de leur consentement éclairé par écrit pour un entretien téléphonique, l'accès à leurs dossiers sur les tests et le conseil génétique apporté, et l'analyse anonyme de toutes les données recueillies.

Les entretiens téléphoniques ont été menés par le coordinateur d'étude (S.Z) entre le 21 janvier 2003 et le 31 août 2004 et étaient basés sur un questionnaire (disponible sur demande). Les questions étaient regroupées en 4 catégories: (1) les données sociodémographiques (âge, pays de naissance, origine ethnique, éducation, religiosité), (2) les données génétiques et l'historique des naissances (type de mutations, nombre de grossesses, nombre d'enfants nés avant et après le dépistage), (3) les démarches entreprises après la connaissance du diagnostic (conseil génétique, des conseils supplémentaires au centre de référence pour la MG, recours au diagnostic prénatal et les résultats, les décisions prises pour une grossesse affectée), et (4) le test de dépistage pour les enfants existants. Les couples qui ont eu des enfants avant le dépistage ont été interrogés sur les tests de dépistages réalisés ultérieurement chez ces enfants, sur les résultats, ainsi que leur état de santé.

Soixante-six des 83 couples (78%) ont passé des entretiens. Onze couples (13%) n'ont pas pu être localisés à cause d'un changement d'adresse ou des autres informations permettant de les contacter, 5 (6%) ont refusé de participer après la conversation téléphonique initiale, et 1 couple (1%) a nié être porteur de la MG. L'analyse des données a été réalisée entre septembre 2004 et avril 2005. La collecte des données n'est plus en cours.

L'étude a été approuvée par les comités d'éthique du Centre médical de Shaare Zedek (Jérusalêm) et le Centre médical Sourasky (Tel Aviv). Les 2 comités de surveillance des 2 centres qui ont donné leur approbation pour l'étude ont considéré que la collecte anonyme de données génotypiques était à la fois possible et appropriée. Les données génotypiques des couples non participants ont été rendues anonymes avant d'être transmises au coordinateur d'étude (S.Z) c'est pourquoi nous avons estimé approprié de présenter les données génotypiques pour l'ensemble des 83 couples éligibles. La demande de communication des données génotypiques des 66 couples participants (66%) étaient une demande pour des génotypes identifiés.

Analyses statistiques

Les comparaisons des taux d'interruption de grossesse et de diagnostic prénatal et du choix de la méthode de diagnostic prénatal ont été réalisées avec le test ?2 pour la comparaison des données dichotomiques et le test exact de Fischer lorsque le nombre attendu pour une cellule était inférieur ou égal à 5. Le seuil de significativité était P≤0,05. Les analyses ont été réalisées avec Epi Info version 3.3.2 (US Centers for Disease Control and Prevention, Atlanta, Georgia, et l'Organisation Mondiale pour la Santé, Genève, Suisse).


RESULTATS

Suivi de la procédure de dépistage

Dix des 12 centres israéliens (tous situés dans des hôpitaux publiques) proposaient le dépistage de la MG pendant la période d'étude (1er janvier 1995 à 31 mars 2003). Le dépistage a été mis en place dans 3 centres en 1995, dans 5 autres en 1999 et 2 autres en 2000. En Israël, l'orientation des couples ou femmes seules attendant un enfant ou planifiant une grossesse vers des centres de dépistage est systématique afin de déterminer s'ils ou elles ne sont pas à risque d'avoir un enfant atteint de maladie génétique. Le Ministère de la santé israélien recommande le dépistage pour tous les couples.38,39 Ceci s'applique à tous les groupes ethniques en Israël (chez les juifs non-ashkénazes et les arabes il y a des dépistages pour la mucoviscidose, le syndrome du X fragile, la thalassémie, et d'autres maladies spécifiques à une origine ethnique donnée). De ce fait, nous n'avons pas tenu compte de la raison de l'orientation mais uniquement de la source d'orientation.

Afin de vérifier si c'est toujours le cas en 2007, nous avons contacté tous les centres inclus dans notre étude et observé que le dépistage est toujours largement proposé en Israël (S.Z données non-publiées, 2007). Seul 1 centre, fréquenté par une population non-juive importante a cessé de proposer le dépistage de la MG. Ce centre avait le plus petit volume d'individus testés et ne représentait que 438 (sur un total estimé de 28 893) des personnes testés dans de l'étude. C'est pourquoi l'arrêt du dépistage dans ce centre aurait eu tout au plus un effet négligeable sur la portée du dépistage. Le dépistage des couples porteurs fait partie du panel de dépistage pour les ashkénazes et est proposé à tous les couples où les deux partenaires sont partiellement ou entièrement d'origine juive ashkénaze. Ce panel est similaire pour tous les centres. En 2003 il comprenait 8 tests: le syndrome du X fragile, la mucoviscidose, la maladie de Canavan, le syndrome de Bloom, l'anémie de Fanconi, la dysautonomie familiale, la MG et la maladie de Tay-Sachs (proposé par le Ministère de la Santé). La participation se fait sur la base du volontariat et le dépistage se fait juste avant ou pendant la grossesse. La source d'orientation a été rapportée par 122 des 127 (96%) participants ayant passé un entretien (faisant partie des couples porteurs): pour 49 (38%), il s'agit de leur gynécologue, 28 (23%) ont été informés par des amis ou leurs familles, 24 (19%) pensaient que le dépistage des porteurs était systématique en cas de grossesse, 8 (6.2%) l'ont su par des guides publiés sur la grossesse, 5 (3.9%) ont été informés par un conseiller génétique, et 8 (6.2%) l'ont su par d'autres moyens. Chez 3 des 65 couples qui ont passé des entretiens, un seul partenaire l'avait effectivement passé (2 femmes et 1 homme).

Préalablement au dépistage, tous les participants avaient reçu des plaquettes d'information. Toutes les plaquettes contenaient des explications sur l'hérédité autosomique récessive, l'histoire naturelle, la fréquence d'individus porteurs, et la sensibilité des tests pour chaque maladie ciblée, et sur le diagnostic prénatal. L'information sur la variabilité phénotypique de la MG était aussi donnée dans toutes les plaquettes, mentionnant que la MG peut parfois être asymptomatique ou relativement bénigne. L'enzymothérapie substitutive était mentionnée dans 3 des 10 plaquettes. Dans 3 centres représentant 21 430 personnes sur un total estimé de 28 893 (environ 74%), un conseiller génétique était disponible pour apporter sur demande des informations plus détaillées. Le dépistage de chaque maladie coûte environ 300 nouveaux shekels (environ 70 $US) et l'assurance santé supplémentaire couvre généralement une partie des coûts. Le dépistage se fait par une approche à 2 étapes (séquentielle): tester un seul partenaire puis proposer des tests uniquement aux partenaires des porteurs. Le test pour le partenaire d'un porteur est couvert en entier par la National Health Insurance.

Tous les centres réalisaient des tests pour les 4 mutations GBA (N370S, 84insG, IVS2DS+1G-A, et L444P).11 Quatre centres recherchaient également les mutations D409H et V394L. Chez les ashkénazes, le dépistage de la mutation D409H ne permet pas d'identifier de nouveaux porteurs mais de faire la distinction entre les porteurs d'une mutation L444P isolée et de RecTL.8 La mutation V394L est rare chez les contrôles ashkénazes, avec une fréquence maximale de 0.24%. Rechercher 6 mutations GBA au lieu des 4, justifié par des considérations de coûts, permettrait tout au plus d'augmenter la proportion d'individus identifiés de 64% à 96.24%. Chez les partenaires des porteurs, 7 mutations sont recherchées : toutes les 6 précédemment citées et la mutation R496H peu sévère, 32 qui a une fréquence de 0.44%.33 Une fois qu'un porteur est identifié, le test séquentiel (chez le partenaire) est plus exhaustif afin d'optimiser la détection des couples à risque, c'est pourquoi la mutation R496H est incluse.

Dans 2 des centres, si le partenaire d'un porteur n'était pas d'origine entièrement ashkénaze et qu'aucune des 7 mutations n'était détectée, un test de l'activité glucocérébrosidase était également proposé pour déterminer son statut génétique. L'activité glucocérébrosidase est mesuré dans les leucocytes en utilisant des substrats fluorescents ; la mise en évidence d'une déficience cette activité demeure l'étalon-or pour le diagnostic de la MG.12 Toutefois, pour le dépistage de porteurs, les tests enzymatiques sont peu pratiques a cause de l'instabilité des enzymes et d'un chevauchement important des résultats entre les porteurs et les non-porteurs.12 Pendant la période d'étude, il y a eu 8 couples chez lesquels le partenaire non-ashkénaze ou partiellement ashkénaze d'un porteur a été identifié comme porteur probable sur la base des tests enzymatiques. Ces couples ont été exclus car les tests enzymatiques chez les couples d'ethnicité mixtes n'étaient pas systématiques, et ont été informés que leurs résultats ne permettaient pas d'arriver à des conclusions, rendant leur décision incomparable avec celles des couples ashkénazes porteurs.

Résultats des dépistages

Portée du dépistage. Sur 9 des 10 centres pouvant fournir des données exactes sur la totalité de l'étude, il y a eu 22 962 personnes dépistées. Le centre restant comptait 3445 personnes à partir du 1er janvier 2000, mais n'était pas capable de fournir le nombre exact de personnes dépistées entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 1999. Un couple y a été identifié à partir du 1er janvier 2000, et 8 couples ont été identifiés sur la période 1995-1999.

Partant de là, en assumant que le taux de détection des couples porteurs fût constant, nous avons estimé que 2756 personnes de plus ont été dépistés dans ce centre sur les 5 premières années de l'étude. Ce qui donne une estimation des personnes dépistées égale à 28 893.

A cause de problèmes d'informatisation, seuls 4 des 10 centres ont pu fournir des données exactes sur le nombre de porteurs sur la durée totale de l'étude, et pour 1 centre, à partir du 1er janvier 2000. Dans ce groupe, la proportion de porteurs était de 601 sur 10 465 (5,7%). A partir de cette observation, nous avons estimé le nombre de porteurs à l'échelle nationale et sur la totalité de l'étude à 1660, ce qui est cohérent avec d'autres publications.8,13,30

Couples porteurs. Les centres ont fait état de 83 couples porteurs. Les génotypes étaient connus pour tous les couples ; des données de suivi ont été obtenus pour 66 (80%), et 65 (78%) ont passé un entretien. Onze (13%) n'ont pas pu être localisés à cause d'un changement d'adresse ou des informations de contact, 5 (6%) ont refusé de participer, et 1 (1%) avait nié être à risque. Les données sociodémographiques de 127 sur 132 participants sont montrées dans le tableau 1. Sur ces participants, 89% étaient d'origine entièrement ashkénaze, 93% avaient reçu une éducation supérieure, et 88% se définissaient comme laïques. Les génotypes des couples porteurs sont montrés dans le tableau 2. Chez 3 couples, un partenaire a été identifié comme homozygote N370S/N370S. Sur les 83 couples porteurs, 1 couple présentait un risque d'avoir un enfant avec un MG de type 2/3 neuropathique et 82 couples présentaient un risque d'avoir un enfant avec un MG de type 1 non neuropathique. Soixante-dix de ces 82 couples (85%) présentaient un risque d'avoir un enfant avec deux mutations peu sévères, et 12 couples (15%) présentaient un risque d'avoir un enfant avec une hétérozygotie composée (1 mutation peu sévère et 1 mutation sévère) (Tableau 2).


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Tableau 1.. Individus dans les couples porteurs présentant un risque d'avoir un enfant avec la maladie de Gaucher

aInclut 127 individus car un seul partenaire a passé un entretien pour 3 des 65 couples qui l'ont passé (2 femmes et 1 homme).

bL'origine ethnique est basée sur la déclaration du participant. Les juifs ashkénazes sont définis comme des juifs venant d'Europe. Un individu est considéré comme entièrement ashkénaze si ses 4 grands-parents sont ashkénazes ou nés en Europe, et partiellement ashkénaze si 1 à 3 de ses grands-parents remplissent ces critères.

cS'autodécrivant



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Tableau 2.. Génotypes des couples présentant le risque d'avoir un enfant avec une maladie de Gaucher (MG)

a«+» indique un allèle sauvage. Les couples à risque font un total de 83 (100%) RecTL est un allèle complexe contenant 4 mutations ponctuelles (D409H, L444P, A456P, et V460V).

bCet allèle est associé à la MG bénigne même s'il inclut la mutation sévère L444P.

cL'explication biologique de cette observation paradoxale n'est pas connue mais elle est bien documentée. 84insG est souvent noté 84GG et IVS2DS+1G-A est souvent noté IVS2+1.


Chez 66 couples participants, le couple à risque pour une MG de type 2/3 n'avait pas eu un entretien et n'a connu aucune grossesse. Sur 65 couples à risque pour un enfant MG de type 1, 53 (82%) présentaient un risque d'avoir un enfant asymptomatique ou ayant une maladie assez bénigne, et 12 (18%) présentaient un risque d'avoir un enfant ayant une maladie modérée.

Conseils médicaux et génétique. Seul 14 des 127 couples (11%) ayant passé un entretien se sont rappelés avoir reçu des informations spécifiques concernant la MG au moment du dépistage. Ceci pourrait s'expliquer par une faible rétention des informations écrites, présentées sur des plaquettes, la faible rétention pour une maladie spécifique en présence d'un panel de plusieurs maladies,30 et d'après l'évaluation rétrospective du passage de l'information, il y a une possibilité que les informations avant le dépistage aient été noyées par l'importante quantité d'informations reçue par les couples porteurs après le dépistage. Après le dépistage, 62 des 65 couples (95%) ont déclaré avoir reçu un conseil génétique individualisé au centre de dépistage.

Neuf des 10 centres (dans lesquels 58 des 65 couples [89%] ont été identifiés) orientaient systématiquement les couples porteurs vers une consultation médicale au Centre de référence pour la MG en Israël. Tous les couples porteurs connaissaient l'existence du centre de référence et 35 des 65 couples (54%) ont par la suite consulté un expert en MG qui n'était pas un généticien médical (A.Z). Les informations fournies lors de cette consultation incluaient des informations sur les risques reproductifs dans la MG, la prédiction de la sévérité de la maladie en fonction des génotypes du couple, et les traitements existants. L'expert en MG insistait également sur l'efficacité élevée de l'enzymothérapie substitutive et sa couverture par la National Health Insurance.

Décisions liées à la grossesse. Tous les 65 couples à risque pour la MG de type 1 ont connu au moins une grossesse pendant la durée de l'étude. Il y a eu 90 grossesses uniques (43 des 65 couples [66%] ont connu une grossesse, 19 couples [29%] 2 grossesses, et 3 couples [5%] 3 grossesses). Un diagnostic prénatal a été entrepris pour 68 des 90 grossesses (76%), et était plus fréquent pour les grossesses à risque pour une maladie modérée (15 sur 17 [88%]) que pour les grossesses à risque pour des maladies bénignes ou asymptomatiques (53 sur 73 [73%]) (Tableau 3). La prédiction de la sévérité a également pu affecter le choix de la procédure en diagnostic prénatal (échantillonnage de villosité chorionique ou amniocentèse). L'échantillonnage de villo sité chorionique a été réalisé pour 16 des 53 (30%) grossesses ayant un risque de maladie asymptomatique ou bénigne et 8 sur 15 (53%) pour les grossesses ayant un risque de maladie modérée (P=.10). Ces différences sur la fréquence de diagnostic prénatal et de procédures n'étaient pas significatives. Des fœtus ayant une MG de type 1 ont été diagnostiqués pour 16 des 68 (24%) grossesses à risque (13 avec une prédiction de maladie asymptomatique ou bénigne et 3 avec une prédiction de maladie modérée). Quatre des 16 grossesses affectées (25%) ont été interrompues (2 sur 13 N370S/N370S homozygotes [15%] et 2 sur 3 doubles hétérozygotes [67%]: 1 N370/84insG et 1 L444P/R496H) (Tableau 3).


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Tableau 3.. Bilan du programme de dépistage de la maladie de Gauchera à l'échelle nationale.

Abréviations: NA non applicable

aLe dépistage chez un total estimé de 28 893 personnes a conduit à l'identification de 83 couples présentant un risque pour la maladie de Gaucher. Les bilans sont indiqués pour 66 couples participants.

bRecrutés et ont passé un entretien


Il a eu une corrélation significative entre la consultation d'un expert en MG et la poursuite de la grossesse. Chez les couples ayant un fœtus avec MG, seul 1 (L444P/R496H) sur 13 (11 avec N370S/N370S, 1 avec N370S/IVS2DS+1G-A, et 1 avec L444P/R496H) ayant consulté un expert de la MG a eu recours à une interruption, comparé à 3 sur 3 (100%) chez ceux qui ne l'ont pas fait (2 avec N370S/N370S et 1 avec N370S/84insG) (test exact de Fischer, P=0.007). La consultation de l'expert a eu également un effet significatif dans le sous-groupe de fœtus ayant une prédiction de maladies asymptomatique ou bénigne (interruption de grossesse pour 0 sur 11 fœtus vs 2 sur 2 fœtus N370S/N370S; test exact de Fischer, P=0.01). Les participants étaient interrogés sur d'éventuels dépistages pour d'autres pathologies, et si eux ou leur conjoint étaient identifiés comme porteurs, et également s'ils avaient d'autres raisons pour recourir à un diagnostic prénatal. Aucun des couples n'a indiqué être à risque pour une autre pathologie. De ce fait, il semble que les décisions concernant l'interruption de grossesse soient uniquement associées au génotype du fœtus sur la MG.

Dépistage chez les enfants existants et l'état de santé des enfants ayant un génotype de MG. Pour 33 enfants nés de couples à risque, aucun diagnostic prénatal n'avait été mené (22 enfants étaient nés avant que les parents ne sachent qu'ils étaient à risque et 11 étaient nés après l'identification des parents comme porteurs). Douze des 16 couples qui ont eu des enfants avant de connaître leur statut ont décidé de ne pas faire dépister leurs enfants plus âgés. Parmi les 4 couples qui ont fait dépister leurs enfants, 4 enfants sur 8 étaient homozygotes N370S. En plus de ces enfants, 9 enfants avec la MG sont nés après un diagnostic prénatal (8 homozygotes N370S/N370S et un hétérozygote composé N370S/AVS2DS+1G-A). A la date de l'entretien, ces 13 enfants étaient âgés de 12 jours à 19 ans (âge moyen, 5.6 ans) et trois autres n'étaient pas encore nés. Aucun n'a jamais eu besoin d'une enzymothérapie substitutive ou été hospitalisé. Tous les enfants qui n'ont pas subi un dépistage sont décrits par leurs parents comme asymptomatiques, à l'exception de 2 enfants d'une fratrie, affectés par une anémie et dont les génotypes ne sont pas connus.


COMMENTAIRES

Le bénéfice pratique attendu des programmes de dépistage d'individus porteurs a toujours été la réduction de la naissance d'enfants affectés à travers le recours à l'interruption de grossesse. Les effets préjudiciables comprennent les répercussions émotionnelles sur les porteurs et leurs familles, y compris à cause de leur stigmatisation et leur mise à l'écart par d'autres individus ou par la société. Dans cette étude, nous traitons des implications pratiques du dépistage de la MG en tant que modèle pour le dépistage de maladies à faible pénétrance, ayant des traitements connus, et chez lesquelles l'interruption de grossesse est mise en question. A notre connaissance, c'est la première étude à grande échelle à évaluer les impacts d'un programme de dépistage.

Quatre-vingt trois couples ont été identifiés. L'étude se faisant à l'échelle nationale et englobant la totalité des centres, il n'était pas possible d'obtenir un échantillon plus large. Un seul couple a présenté un risque pour une maladie sévère de type 2/3, ce qui est trop rare pour justifier un dépistage. De fait, le dépistage est réalisé essentiellement pour la MG de type 1, la plupart du temps (85%) identifiant les couples présentant un risque pour des maladies asymptotiques ou bénignes, et de façon moins fréquente (15%), identifiant les couples présentant un risque de maladie modérée et ayant un traitement connu.

Le conseil au patient spécifique à la MG a lieu à deux étapes du processus de dépistage (pré-dépistage, et post-dépistage si le couple est identifié comme porteur de la MG).

Les informations pré-dépistage étaient fournies sous forme écrite et la plupart du temps (pour environ 74% des individus dépistés) un conseiller génétique était également disponible pour répondre aux questions. Les informations écrites, spécifiques à la MG, comprenaient la proportion de porteurs, le mode de transmission, la variabilité phénotypique, la prédiction peu précise de la sévérité, et la traitabilité. Ces informations diffèrent de celles fournies pour les maladies sévères (ex: maladie de Canavan). Du fait de l'importance du dépistage en Israël, aussi bien en termes d'individus testés que de maladies prises en compte, les services génétiques seraient rapidement dépassés si le conseil génétique individualisé était proposé avant les dépistages. Le processus pré-dépistage est généralement identique à celui trouvé aux Etats-Unis où des informations écrites sont disponibles en ligne mais sans le conseil génétique (http://www.labcorp.com/genetics/genetic_disorders/jewish_heritage_screening.html). La plupart des couples préfèrent prendre tous les tests disponibles et de ne s'intéresser à une maladie spécifique qu'en cas de nécessité (s'ils sont identifiés comme porteurs).

Le but principal de notre étude est de décrire les bilans post-dépistage, qui n'ont fait l'objet d'aucun rapport jusqu'à maintenant, chez les couples à risque. Les couples identifiés comme à risque bénéficient d'un conseil génétique personnalisé et exhaustif qui est centré sur la MG. Sur 65 couples porteurs, 62 (95%) ont bénéficié de tels conseils et 35 (54%) ont bénéficié également de conseils médicaux au centre de référence pour la MG. Les sessions incluent des discussions poussées sur le risque de MG, la variabilité phénotypique, la sévérité attendue (selon les génotypes des parents), l'existence et l'efficacité des traitements, et les implications chez les enfants existants. Les options en diagnostic prénatal (échantillonnage de villosité chorionique ou amniocentèse) ainsi que la décision de ne pas recourir au diagnostic prénatal sont également discutés. Les preuves sur le contenu et l'efficacité du conseil post-dépistage sont visibles à travers la très bonne connaissance de ces différents sujets, démontrée par les couples lors de leur entretien et traitée dans une publication à venir sur l'impact psychologique du dépistage chez les couples porteurs (S.Z, données non-publiées, 2007). Les décisions des couples porteurs, qui sont au centre de cette étude, étaient construites sur le conseil et les informations qu'ils ont reçus après dépistage et ne dépendaient en aucun cas des informations reçues avant le dépistage.

Nous avons observé qu'il y a eu recours au diagnostic prénatal pour 76% (68 sur 90) des grossesses, et que les interruptions de grossesse ont été réalisées pour 25% des cas où le fœtus avait la MG (2 fœtus prédits pour avoir une maladie asymptomatique ou bénigne et 2 prédit pour avoir une MG modérée). Par rapport à l'objectif déclaré des programmes de dépistage, le résultat pratique principal était la réduction de 66% des naissances d'enfants ayant une prédiction de MG modérée de type 1 dont la fréquence estimée est de 1 pour 27 000, et une réduction de 15% des naissances d'enfants ayant une prédiction de MG asymptomatique ou bénigne, et dont la fréquence estimée est de 1 pour 1300. Ceci a été atteint en recourant à des interruptions de grossesse sur des fœtus dont la maladie était probablement traitable ou asymptomatique, ce qui permet de se demander s'il faut réellement y voir un bénéfice. Le taux d'interruption de 15% observé pour des MG asymptomatiques ou bénignes soulève des questions mais pourrait illustrer la compréhension des aspects particuliers de cette maladie par les couples. Il y a un très fort contraste par rapport aux taux d'interruptions observés chez les couples dont les enfants risquent d'avoir une maladie sévère et qui font partie du même programme de dépistage pour les juifs ashkénazes.Les bases de données du Ministère de la Santé israélienne montrent que tous les couples porteurs de la maladie de Tay-Sachs et 82% des porteurs de la mucoviscidose mettent fin aux grossesses affectées (Dr J. Zlotogora, PhD, Department of Community Genetics, Ministère de la Santé israélienne, données non publiées, 2007). La consultation d'un expert médical sur la MG en plus d'un conseiller génétique a été associée à une réduction significative des interruptions de grossesses pour les foetus ayant la MG (P=0.007).

La reconnaissance précoce de leur statut génotypique pour la MG ne semblait pas offrir un quelconque bénéfice médical au petit nombre de cas de MG (n=13) issu de grossesses affectées menées à terme, par rapport à leurs aînés dont la condition était auparavant inconnu, même si la durée de suivi est relativement courte (moyenne 5.6 ans). Bien que les avantages d'un diagnostic précoce ne soient pas à écarter, le diagnostic pré-symptomatique d'une maladie de l'enfant ou de l'adulte ne fait pas partie des objectifs des programmes de dépistage. Faire un dépistage chez les enfants à risque pour la MG de type 1 pourrait se justifier au niveau médical en permettant d'éviter de passer des examens inutiles si les symptômes apparaissent plus tard. Néanmoins du fait de la rareté des manifestations de la maladie chez l'enfant, le diagnostic pré-symptomatique par un programme de dépistage prénatal soulève des questions d'éthique sur l'évaluation d'un enfant pour des maladies n'apparaissant que chez l'adulte et sur la violation du droit futur de l'enfant à décider.40

Le diagnostic pré-symptomatique est justifié chez les enfants lorsqu'il y a une preuve que des traitements précoces peuvent améliorer son évolution future. Ceci est la base des programmes de diagnostique chez les nouveau-nés. Lorsqu'une maladie sévère n'a pas de traitement connu, le dépistage des porteurs est utilisé de concert avec l'interruption de grossesse, vu alors comme une option peu souhaitable mais acceptable; si un traitement prénatal existe et qu'il est plus efficace si administré de façon pré-symptomatique, le dépistage chez les nouveau-nés est également approprié. Toutefois, bien que des traitements efficaces existent pour la MG, une proportion importante d'individus avec un statut génétique de MG resteront hors de l'attention médicale et nous n'avons pas connaissance de preuves sur l'amélioration de l'évolution de la maladie en cas de diagnostic précoce. Une étude des traitements précoces chez les nouveau-nés ayant la MG de type 1 n'a pas montré de bénéfice supplémentaire, et la plus importante complication irréversible de la MG de type 1, la nécrose osseuse avasculaire est très rare pour une première manifestation (A.Z, données non-publiées, 2007). Dans le cas de la MG de type 1 où l'existence d'un traitement est un argument contre le dépistage des porteurs, le faible taux de maladie chez les individus avec un statut génétique de MG et le manque de preuve en faveur d'une intervention pré-symptomatique est un argument contre le dépistage chez les nouveau-nés.

Une autre approche est de recourir à des dépistages prénuptiaux, ce qui est socialement adapté aux populations pratiquant des mariages arrangés. Le but du dépistage prénuptial est de prévenir les mariages entre des personnes qui sont toutes les deux porteuses de la même maladie et de contourner ainsi les problèmes du diagnostic prénatal et de l'interruption de grossesse. En Israël, chez les ultra-orthodoxes, le dépistage est pratiqué de manière quasi-systématique chez les personnes en âge de se marier (aux alentours de 18 ans) en passant par un programme indépendant appelé Dor Yeshorim.42 Avant de proposer un engagement, le marieur doit confirmer que les personnes à apparier ne sont pas porteuses de la même maladie génétique. La maladie de Gaucher fait partie du panel du Dor Yeshorim, rendant l'existence d'un couple à risque pour cette maladie peu probable dans cette population. Cependant, dans la population générale, ce sont les dépistages chez les nouveau-nés et le dépistage des porteurs qui prévalent.

Le dépistage des porteurs de la MG chez les ashkénazes a été mis en place parce que c'est la maladie récessive ayant la prévalence la plus élevée et pour laquelle les tests sont simples et hautement sensibles.11 Nos résultats expliquent certaines des préoccupations qui sont à l'origine des recommandations de professionnels contre cette démarche.43 Cependant, il est nécessaire de reconnaître les facteurs qui la favorisent. Parmi ceux-ci, il y a la compétition entre les établissements pour attirer les plus de personnes, la peur d'engager des responsabilités légales en cas de naissances d'enfants affectées, malgré l'existence de diagnostic prénatal (naissance préjudiciable), et une préoccupation réelle sur l'imprécision de la prédiction de sévérité. La sévérité de la maladie est un critère essentielle pour le dépistage des porteurs, 3,20 mais il n'y a pas de consensus réel sur la définition d'une maladie sévère même parmi les professionnels.44 Lorsque le traitement est très coûteux, comme pour la MG, la sévérité peut dépendre de l'accès aux soins. La réflexion n'est pas le même pour des couples en Israël où le traitement est couvert par la National Health Insurance et pour des couples où la couverture maladie est moins étendue.36 Il n'y a pas eu de changement significatif au niveau des remboursements ni des coûts du traitement de la MG depuis que l'étude a été conduite.

En se basant sur le droit à l'autonomie, la disponibilité du dépistage est justifiée, les couples devant pouvoir décider d'eux-mêmes d'y avoir recours ou non. En adoptant cette position, l'Association des généticiens médicaux a décidé de labéliser le dépistage de la MG « non recommandé » mais de le laisser accessible. Une publication sur leur position note que le dépistage est largement disponible mais qu'il ne remplit pas le critère de l'Organisation Mondiale de la Santé et est de ce fait non recommandé. Cependant, la publication recommande la disponibilité de conseils dans le cas où le dépistage est proposé, montrant qu'ils ont pris acte de la possibilité que la pratique persiste. Ultérieurement à la collecte et l'analyse de données que nous avons menées pour cette étude, nous avons enquêté sur 3 centres qui représentaient environ 62% des individus testés précédemment et qui étaient capables de fournir avec exactitude des données sur le dépistage en 2006 et 2007, et nous avons pu confirmé qu'il n'y a eu aucun changement important sur le nombre de personnes testées (S.Z, données non-publiées, 2007). On peut envisager l'existence d'une prédilection culturelle à des dépistages exhaustifs en Israël et le fait que le dépistage soit toujours accessible a plus d'influence que les recommandations de l'association à l'encontre du dépistage. De ce fait, le processus de dépistage décrite ici demeure représentatif de la pratique actuelle en Israël et l'est vraisemblablement pour les pratiques hors d'Israël (ex: aux Etats-Unis).

Le dépistage de la MG reflète la complexité du dépistage des porteurs dans le cas d'un génotype prévalent mais dont la prédiction de l'expression demeure imprécise, ce qui peut avoir une faible conséquence. Une situation similaire existe pour d'autres pathologies traitables, qui ne conduisent pas à un retard mental ou à la réduction de l'espérance de vie, et qui peuvent être facilement dépistés dans des populations spécifiques (ex: la fièvre méditerranéenne familiale,46,47 la surdité liée à la connexine2648,49, et l'albinisme50). Bien qu'il soit important de comparer nos résultats avec ceux d'autres programmes de dépistage, et dans d'autres contextes sociaux, cette étude offre déjà une base à la discussion sur les implications et l'aspect éthique du dépistage des porteurs pour des maladies à faible pénétrance ayant un traitement connu. Le cas du dépistage de la MG suggère que l'accessibilité, plutôt que l'utilité d'un test pourrait être le facteur déterminant pour son introduction dans une population.


CONCLUSIONS

Le dépistage des porteurs de la maladie de Gaucher a conduit à une faible diminution de la prévalence des nouveau-nés ayant un statut génétique de MG à travers l'interruption des grossesses où les fœtus étaient vraisemblablement asymptomatiques ou ayant une maladie traitable. L'avantage principal du dépistage est de permettre l'identification des couples à risque et de leur permettre de prendre des décisions informées. L'application du principe classique du dépistage des porteurs à une maladie de prévalence élevée et à faible pénétrance amène inévitablement à prendre des décisions complexes et les programmes proposant de tels dépistages devraient définir si ceci est fait à des fins d'information et d'évaluation du risque pré-symptomatique ou pour permettre la terminaison des grossesses pour les fœtus ayant un statut génétique particulier. Notre étude suggère que pour prévenir les interruptions de grossesse pour des pathologies généralement bénignes, y compris dans les populations ayant un niveau d'éducation élevée, les programmes de dépistage doivent associer le conseil génétique non-spécifique traditionnel à un conseil médical individualisé fourni par des experts sur la maladie impliquée.


Informations sur les auteurs

Correspondance: Ephrat Levy-Lahad, MD, Medical Genetics Unit, Shaare Zedek Medical Center,POBox 3235, Jerusalem 91031, Israel (lahad{at}szmc.org.il).

Contributions des auteurs: Ms Zuckerman a eu un accès complet à toutes les données de l'étude et accepte la responsabilité de l'intégrité des données et de l'exactitude de l'analyse des données.

Conception et schéma de l'étude: Zuckerman, Lahad, Zimran, Levy-Lahad, Sagi.

Recueil des données: Zuckerman, Zimran, Peleg, Orr-Urtreger, Sagi.

Analyse et interprétation des données: Zuckerman, Lahad, Shmueli, Levy-Lahad, Sagi.

Rédaction du manuscrit: Zuckerman, Shmueli, Levy-Lahad, Sagi.

Revue critique du manuscrit: Zuckerman, Lahad, Shmueli, Zimran, Peleg, Orr-Urtreger, Levy-Lahad, Sagi.

Analyse statistique: Zuckerman, Lahad.

Obtention du financement: Zimran, Levy-Lahad.

Aide administrative, technique et matérielle: Zuckerman, Zimran, Levy-Lahad.

Supervision de l'étude: Levy-Lahad, Sagi.

Liens financiers: Le Dr Zimran a déclaré avoir reçu des honoraires de consultant de Shire Human Genetic Therapeutics et de Protalix Biopharmaceutics, une bourse de Genzyme Corporation for participation in the International Gaucher Registry, et des honoraires de Genzyme Corporation et Actelion. Il a aussi rapporté détenir des stocks options de Protalix Biopharmaceutics. Aucun autre auteur n'a déclaré de liens financiers.

Financement/Soutien: Cette étude a été financée par l'Israel Institute for Health Policy and Health Services Research.

Rôle du sponsor: L'Israel Institute for Health Policy and Health Services Research n'a joué aucun rôle dans le schéma et la conduite de cette étude, dans le recueil, la gestion, l'analyse ou l'interprétation des données, ou dans la préparation, la revue ou l'approbation du manuscrit.

Présentation antérieure: Présenté sous la forme d'un poster (abstract 1210) à l'American Society of Human Genetics Meeting; 28 octobre 2005; Salt Lake City, Utah.

Autres contributions: Nous remercions tous les couples ayant participé et exprimons nos remerciements aux conseillers généticiens et médicaux qui ont aidé sans recevoir de compensation, au recueil des données de cette étude: Lilach Peled-Peretz, MSc, Haemek Medical Center, Afula; Yulia Grinshpun-Cohen, MSc, Atalia Shtorch-Asor, PhD, Meir Medical Center, Kfar Saba; Vardit Adir, PhD, Zvi Borochovich, MD, Bnai Zion Medical Center, Haifa; Marsha Zeigler, PhD, Avital Eilat, MSc, Hadassah Hebrew University Hospital, Jerusalem; Sharon Simchoni, MSc, Yuval Yaron, MD, Tel Aviv Sourasky Medical Center, Tel Aviv; Ellen Taub, MSc, Rabin Medical Center, Petah-Tikvah; Vitalia Libman, MSc, Assaf Harofeh Medical Center, Zerifin; Amalia Shaham, Carmel Medical Center, Haifa. Hadassa Hartman, BSc, Medical Genetics Unit, Shaare Zedek Medical Center, ont apporté de l'aide dans la préparation du manuscrit. Ms Hartman est salariée du Shaare Zedek Medical Center.

Affiliations des auteurs: Department of Family Medicine, Hebrew University-Hadassah Medical School, Jerusalem; Gaucher Clinic and Medical Genetics Unit, Shaare Zedek Medical Center, Jerusalem; Danek Gertner Institute of Human Genetics, Sheba Medical Center, Tel-Hashomer; Genetic Institute, Tel-Aviv Sourasky Medical Center and Sackler School of Medicine, Tel Aviv University, Tel Aviv; Department of Human Genetics, Hadassah Hebrew University Hospital, Jerusalem, Israel.


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JAMA. 2007;298:1329-1331.
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