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  Vol. 298 No. 16, 24/31 octobre 2007 TABLE OF CONTENTS
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Juan Gris, 1887-1927

Jean Gavaudan, MD

S'il est un mouvement artistique qui a donné lieu à d'infinies controverses, c'est bien le cubisme.

Juan Gris appartient à ce mouvement, même s'il n'en fut pas le principal représentant. Braque et Picasso sont les deux peintres qui lui ont donné son envol définitif vers la déstructuration du sujet peint.

Pour comprendre le cubisme, il faut faire l'effort de passer de la peinture figurative à une peinture plus intellectuelle, et c'est là où l'incompréhension naît. On demande au spectateur non plus de voir ce qui est exposé, mais de compléter ce qui est représenté dans les différents plans. D'où une certaine incompréhension, née à une époque troublée par 4 ans de massacre et de déstructuration physique, bien réelle celle-là. A-t-on en effet pensé que lors de la naissance et de la période d'or du cubisme, des millions d'êtres vivaient en permanence sous la menace d'être effectivement dispersés en différents plans. Nous vivons en permanence dans l'art et la masse générale de la population est entourée par l'art. Il est en conséquence normal qu'à l'époque où est né ce mouvement, celui-ci fut mal reçu.

Cézanne avait jeté le premier les bases du cubisme en définissant l'espace par des lignes horizontales pour le champ et des lignes perpendiculaires pour la profondeur. En faisant cela, Cézanne avait commencé à déstructurer le sujet, mais celui-ci restait néanmoins figuratif avec une prépondérance donnée à la nature.

Puis vinrent Georges Braque, Francis Picabia et Pablo Picasso qui donnèrent une autre dimension au mouvement en peignant non plus le sujet tel qu'il est par nature sur une toile, c'est-à-dire essentiellement en deux plans, mais en le déstructurant et le représentant tel que nous pourrions l'imaginer, la perspective n'ayant plus sa place ici. Les blocs ou cubes qui constituaient le sujet étaient ici juxtaposés et peu importe que la profondeur côtoyait ici ou là la surface plane, que l'axe du sujet fût tantôt vu sur un plan, tantôt décalé vers la gauche puis vers la droite. C'est l'imagination qui faisait le reste.

Peu importe désormais ce que disait Cézanne de l'espace: « les lignes parallèles à l'horizon donnent l'étendue, soit une section de la nature ou, si vous aimez mieux, du spectacle que le Pater Omnipotens Aeterne Deus étale devant nos yeux. Les lignes perpendiculaires à cet horizon donnent la profondeur. Or, la nature, pour nous hommes, est plus en profondeur qu'en surface, d'où la nécessité d'introduire dans nos vibrations de lumière, représentées par les rouges et les jaunes, une somme suffisante de bleutés, pour faire sentir l'air. »

Braque et Picasso introduisirent le cubisme analytique sans l'unicité de point de vue du motif.

Le sujet était peint sous des angles multiples différents, juxtaposés ou enchevêtrés dans une même oeuvre. Plus de perspective. L'importance était donnée aux plans dans l'éclatement des volumes.

Ce mouvement évoluera en quatre temps de 1906 à 1914 et finira comme un coureur cycliste en haut d'un col: essoufflé. On peut reprocher à cette déclaration un certain parti-pris, mais il faut peut-être revenir à Mondrian dont l'expressionnisme est un dépassement du cubisme, lui qui reprochait aux cubistes de ne pas être allés au bout de leur réflexion. Avait-il raison? Dans la recherche de l'intellectualité des cubistes, on peut en effet se demander si le fait de simplement déstructurer le motif pour juxtaposer les formes sans donner forcément une perspective mais en privilégiant les plans ne finirait pas par un cul de sac.

Lorsque Picasso peignait et repeignait à l'infini dans une production devenue, en fin de vie, prodigieusement commerciale, on peut se demander où il voulait aller. Mondrian, puis l'école de New-York, allaient nous donner une réponse nette à cette recherche intellectuelle. Le motif n'avait plus d'importance dans une recherche intellectuelle; seule comptaient la pensée et la réaction du spectateur face à l'oeuvre.

Avec ces nouveaux peintres expressionnistes, on s'éloignait donc du mouvement prôné par Guillaume Appolinaire qui voyait dans le cubisme la négation de la notion d'un Dieu unique créateur remplacé ici par la propre nature divine de l'homme et dont la théorie ne se rattacha jamais à l'ensemble de l'oeuvre cubiste.

Picasso, matérialiste majeur, n'était pas engagé dans une recherche métaphysique. Sa recherche portait surtout sur un matérialisme dans un dialogue entre lui et la matière.

Après le précubisme de Cézanne et le cubisme analytique de Picasso et Braque, arriva le cubisme analytique en réintroduisant les couleurs et différentes matières sous la forme de collages, mouvement auquel appartenait Juan Gris.

Les facettes les plus pertinentes de l'objet déconstruit étaient désormais choisies par le peintre qui introduisait des éléments de la réalité, en collant des papiers ou en donnant des indications de matière à l'objet représenté.

Enfin, avec le cubisme orphique, la boucle était bouclée. La couleur se détachait de toute forme et de grands cercles concentriques donnaient le rythme et la vitesse au tableau. On est ici à la limite du cubisme, car la couleur et la forme donnaient ici le sens au tableau, on se rapprochait petit à petit de l'expressionnisme, et le mouvement cubiste, qui avait côtoyé les heures les plus terribles de la première guerre mondiale, était un monde de chaos, qui allait céder la place à la « Belle époque ».

Une autre ère commençait. Comment le cubisme allait-t-il survivre?

Dans les musées.

Il reste néanmoins l'un des mouvements artistiques les plus forts de notre histoire en ayant su dépasser les limites du motif pour commencer à s'intéresser à la pensée.







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