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  Vol. 298 No. 2, 11 juillet 2007 TABLE OF CONTENTS
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Claude Monet (1840-1926): Peupliers au bord de l'Epte

Jean Gavaudan, MD

On ne présente plus Claude Monet. Inventeur avec Renoir de « l'impressionnisme », il est un des peintres dont l'influence et la célébrité ont fait le tour du monde. Il suffit qu'une exposition de ses nymphéas se déplace et c'est une foule de visiteurs qui se presse et attend à l'extérieur des salles.

Un succès qui aurait peut-être perturbé cet homme simple et direct.

En 1840, il naît à Paris et déménage avec sa famille au Havre à l'âge de 5 ans.

Pour le petit Claude, dans les bras de sa mère, 1840 n'est que l'année de sa naissance. Sortant de son coma fœtal, il entre dans un monde en révolution. Emile Zola et Tchaikovski naissaient au premier semestre de la même année, tandis le virtuose Paganini disparaissait. Louis-Philippe se séparait de Thiers (celui-là même qui préparait déjà son retour quelques trente années plus tard après un roi et un empereur). Deux jours avant Monet, le petit Rodin naissait: encore un géant de l'art!

Enfin, le 15 décembre en grande pompe, les cendres de Napoléon, contre l'avis de beaucoup, étaient transférées au Panthéon.

Le 19ème siècle français était celui de l'art et de la science!

Quel monde en mouvement qui nous fait paraître celui de 2007 bien tranquille avec ses préoccupations purement économiques et ses inquiétudes purement sociales.

En 1845, la famille Monet part donc au Havre, région normande qui marquera le petit Claude. Claude Monet vivra et mourra à Giverny en Normandie.

Arrivé à un âge adulte, il part à l'armée en Algérie. C'est l'époque où Louis-Philippe, le roi des français, envoie outre-mer ses troupes pour redorer son blason. La France y perdait des soldats, mais y gagnait des colonies.

Sa tante Lecadre (il a peint sa belle-sœur Lecadre), dont le nom était prédestiné pour un peintre, l'aidait à mettre un terme à son épopée nord-africaine et le fit entrer à l'université qu'il n'aima point. Peut-on l'en blâmer, quand l'art enseigné était avant tout le style conventionnel et compassé d'un empire (on avait sauté le pas, de la royauté à l'empire, les choses allaient vite à cette époque-là) qui n'avait pas mille ans devant lui, mais seulement 8 années.

En 1862, alors qu'il étudiait avec Charles Gleyre à Paris, il rencontre Renoir. Quelle rencontre! Celle de la lumière et celle de l'impression qui passe. Deux amis qui allaient le rester toute leur vie.

Claude Monet épouse son modèle Camille Doncieux et déménage à Argenteuil, proche et tranquille banlieue de Paris, non encore traversée par les autoroutes et défigurée par les pavillons. Monet et sa femme (et leur enfant) se déplacent ensuite à Vetheuil chez les Hoschède. Ils y restent de nombreuses années, y ont un deuxième enfant, avant que Camille ne décède le 5 septembre 1879.

Monet en fait un tableau sur son lit de mort. Souvenir de ses jeunes années (il n'a alors que tut juste 36 ans). S'éloignant de plus en plus de Paris, il emménage à Giverny, dans cette maison où il décédera et dans le jardin de laquelle il a peint parmi ses plus beaux tableaux. Jardin qu'il a composé à son goût pour pouvoir peindre et non pas peindre ce qu'il voyait simplement autour de lui. La peinture l'emporte sur le réel.

On ne peut rien ajouter à la longue biographie de Claude Monet ni aux nombreuses critiques de son art. L'impression qu'il cherchait restera esthétiquement un chef d'œuvre de lumière apprivoisée. Le temps passe, la lumière change, aussitôt Monet la saisit, la fait évoluer avec l'heure, nous montre la même vue sous des pénétrations lumineuses différentes et éblouissantes. Monet saisit l'éphémère et tout ce qui fuit dans la nature. Celle-ci évolue sous le regard de Monet qui capte la lumière en touches vives et rapides, des cailloux de lumière.

En 1884, Monet rencontre le « milliardaire rouge » (un des premiers et pas le denier à vivre ce paradoxe), Octave Mirbeau, autre normand. Celui qui faisait trembler le bourgeois tout en vivant comme ceux qu'il pourfendait. Mirbeau est un anarchiste de la plume, un enragé des salons, un activiste impatient mais immobile. S'il tue, c'est en écrivant et encore, lui-même ne croit plus au pouvoir du verbe lorsqu'il écrit à Claude Monet: « J'arrive à cette conviction qu'il n'y a rien de plus vide, rien de plus bête, rien de plus parfaitement abject que la littérature. » Sans commentaire. Ils resteront liés jusqu'à sa mort

En 1892, Monet se remarie avec Alice Hoschède, avec laquelle il avait déjà eu une aventure tandis qu'il était marié à Camille.

Les années de 1880 à 1890 sont les grandes années de Claude Monet et la plupart des chefs d'œuvres que nous admirons dans les musées aujourd'hui ont été peints durant cette période.

En 1870, il avait rencontré au Royaume-Uni, Turner et Whistler se liant d'amitié avec ce dernier et la peinture révolutionnaire de Turner les avaient profondément influencés.

Il revint donc à Londres à plusieurs reprises entre 1899 et 1904, période au cours de laquelle, il peignit plus de 100 tableaux sur le thème du brouillard londonien, ce qui, à cette époque, était particulièrement adapté. Toute cette période de la vie est consacrée à l'étude de la lumière sur ses sujets. La lumière devient son obsession, peutêtre sa cataracte jouait-elle un rôle dans cette recherche?

On a beaucoup écrit sur Monet et l'impact de sa cataracte sur sa vision des couleurs, mais si ses nymphéas durent en souffrir, ce n'était certes pas l'avis de Clemenceau qui lui disait: « Vous me bombardez d'un monstrueux caillou de lumière. » Ah, ce choc en voyant ces couleurs et la vibration de la lumière! En réduisant (le terme est pourtant mal choisi) l'objet à la lumière qu'il reflète, Monet ouvrait la voie à l'abstraction.

Mais, bien que contemporain des premières abstractions, Monet n'a jamais adhéré à ce mouvement.

Ce qui intéresse Monet, c'est la métamorphose des objets sous l'effet de la lumière et ce jeu d'ombres, de soleil, de rayons, de vent qui agite, de moiteur qui modifie la luminosité, Monet mieux que quiconque l'a compris avant tout le monde. Kandinsky, en 1910, s'exclamait devant un tableau de Monet représentant une des Meules: « Je compris là le pouvoir fabuleux de la peinture. »

Monet a toujours refusé une démarche intellectuelle pure devant son chevalet, démarche qui conduira à l'abstraction sous toutes ses formes jusqu'à faire de le peinture un pur objet de l'intellect.

Monet est un objectif qui reproduit ce qu'il voit ou ce qu'il a l'impression de voir. Cézanne, tiré vers l'abstraction, dira de Monet: « Monet, ce n'est qu'un œil, mais quel œil! »

Dans le tableau présenté dans ce numéro, Monet a peint l'Epte, affluent de la rive droite de la Seine, qu'elle rejoint près de Giverny. Ce fait anecdotique a son importance quand on sait que cette rivière marquait autrefois la limite entre la Normandie et l'Ile de France (traité de Saint-Clair-sur-Epte entre Rollon, le chef viking et Charles III dit le Simple). Cette petite rivière que peint Monet allait séparer les terres et donner aux vikings la Normandie avec notamment le Vexin, le Pays de Caux, le Roumois, l'Evrecin, le Lieuvin et le Pays d'Auge.

Si Monet ignorait peut-être cette histoire, il n'ignorait pas que l'étang aux nymphéas était alimenté par un bras de l'Epte à Giverny. Le tableau nous restitue une rivière tranquille bordée de peupliers, les nuages fuyant en arrièreplan et créant le mouvement.

Définitivement rattachée à la France en 1449, cette région allait enfin connaître la paix.

Monet nous y entraîne et la restitue mieux que personne.

Monet disparût en 1926, il avait connu la royauté, l'Empire, la République et les guerres. En 1926, Le Duce devenait le maître de l'Italie fasciste et réduisait à néant les pouvoirs du Roi Victor-Emmanuel III. Goddard faisait décoller la première fusée et Baird inventait la télévision. Il est bon que Monet n'ait pas vu tout cela.







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