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  Vol. 298 No. 7, 15 août 2007 TABLE OF CONTENTS
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Haarmensch, Allemand vers 1580

Jean Gavaudan, MD

Lorsque meurt Lavinia Fontana, presque 62 ans mois pour mois après sa naissance, cet événement ne marque ni l'histoire, la grande, ni celle de la peinture, dont elle fit son métier. Pourtant Lavinia Fontana passa à la postérité.
Figure 1

Lavinia, fille de peintre, joignit rapidement les traces de son père, apprit les maîtres et se fit connaître localement pour avoir peint les personnalités de sa ville natale, Bologne. En 1577, elle y épousa Paolo Zappi ou Fappi et donna naissance les années suivantes à 11 enfants, dont 3 seulement lui survécurent.

Mais, Zappi ou Fappi n'est pas un travailleur, il s'occupe en homme moderne du ménage et laisse sa femme, Lavinia assurer le pain quotidien. Lavinia fait ce qu'elle sait le mieux faire: peindre. Son mari lui servira d'assistant, préparant les couleurs, nettoyant les pinceaux, rangeant son atelier. De temps en temps, elle lui laisse peindre quelques draperies, rien de bien méchant, et s'il est passé à la postérité, c'est donc en tant qu'époux de Lavinia.

Lavinia poursuit, quant à elle, sa carrière de peintre. Sa réputation grandit, elle est appelée à Rome par le pape Clément VIII, plusieurs Papes s'intéressant d'ailleurs à son travail. Elle est élue à l'Académie de Rome et meurt le 11 août 1614 à Rome, laissant derrière elle, un certain nombre d'oeuvres dont son auto-portrait aujourd'hui dans la famille du comte Zappi d'Imola, famille de son mari. Mais, Lavinia, en dépit d'un certain talent, n'était pas Le Caravage, Tiepolo ou Rubens.

Sa célébrité, Lavinia la doit à un tableau qu'elle peignit vers la fin du 16ème siècle et qui représentait Antonietta Gonzales, fille de Pedro Gonzales, le sujet du tableau que nous présentons aujourd'hui et qui fut peint par une école allemande aux alentours de 1580. Car Antonietta a eu le redoutable privilège ou le malheur d'être parmi les femmes « à barbe » qui ont marqué les siècles. Pire, la petite Antonietta était atteinte de ce que l'on appelle aujourd'hui l'hypertrichose congénitale généralisée. Comme son père, elle était couverte de longs poils de la tête aux pieds. Cette maladie, extrêmement rare, puisqu'environ 100 cas ont été répertoriés dans le monde jusqu'à ce jour, est transmise sous la forme d'une hérédité autosomique dominante. La pilosité foetale demeure et n'est pas remplacée par un duvet ou des poils terminaux. Le nourrisson est anormalement velu à la naissance et la pilosité augmente sans cesse jusqu'à ce que le sujet soit entièrement couvert de la tête aux pieds à l'exception des paumes des mains et des faces plantaires. Les poils peuvent atteindre jusqu'à 10 cm de long et peut coexister avec des malformations de la dentition.

Son père, né aux Canaries, fut donc l'un de ces hommes que l'on a peut-être qualifiés de loups-garous dans l'imaginaire populaire. Il fut dans tous les cas, le premier dont nous possédons une image fidèle que l'on peut observer aujourd'hui au château d'Ambras, ancienne demeure de l'Empereur d'Autriche, Ferdinand II, près d'Innsbruck, dans le Tyrol autrichien. Ferdinand était, avant d'être empereur, un collectionneur né. Il fit venir à Ambras les objets les plus rares et les plus insolites de son époque dont ce tableau de Pedro Gonzales.

Dans cette famille, remarquable par cette hypertrichose héréditaire généralisée, le père, Pedro Gonzales, fut le premier à se manifester (il existe des formes sporadiques de la maladie). Il la transmit à ses trois enfants (2 filles et un garçon), dont Antonietta, peinte par L. Fontana. Antonietta se maria et eut un garçon lui-même atteint par la maladie. Ceci nous fait d'ailleurs remarquer qu'Antonietta qui ressemblait plus à un chat qu'à une femme, trouva quand même un mari et enfanta de trois enfants.

Comment vécurent ces personnes à une époque d'ignorance profonde des sciences de la vie?

De nos jours, les sciences fondamentales ont fait de tels progrès, notamment en génétique, qu'il est possible de déterminer, jour après jour, de nouveaux gènes à l'origine de telle ou telle maladie. C'est souvent la presse « grand public » qui annonce, presque en même temps que les revues scientifiques que le gène du gaucher a été découvert, que le gène de telle maladie orpheline a été mis en évidence, mais à cette époque?

A cette époque, on était une peluche. Pedro Gonzales fut donc offert en cadeau (oui, offert) à Henri II, qui se prit d'affection pour cet être humain au point de lui donner une instruction, de l'éducation et d'en faire un ambassadeur. Henri II n'était d'ailleurs peut-être pas dénué de tout sous-entendu politique, car le fait d'envoyer un être velu de la tête aux pieds ne pouvait manquer d'intriguer et d'éveiller ses royaux collègues européens.

Pedro Gonzales va donc voyager dans presque toutes les cours européennes. Mais là où les hommes d'église ne voient en lui qu'une âme pécheresse punie par le Seigneur, les médecins se penchent sur son cas et celui de ses enfants (on ne sait jamais, le pêché peut être originel) et l'un d'eux au moins en rapporte une description exacte, Ulysse Aldrovandi. Il le décrit si bien qu'il le classe dans un livre au titre évocateur « Histoire de Monstres » publié en 1642 (nous ne sommes pourtant pas très loin du siècle des lumières!). Les clichés ont la vie dure, même à notre époque d'ailleurs.

Ces patients sont alors des phénomènes de foire, Pedro Gonzales fut exhibé. Il n'était pas lui-même en reste d'exhiber ses enfants. Ceci n'est pas sans nous rappeler le très beau film de David Lynch « Elephant Man ». Film qui retrace la vie de Joseph Merrick, autre phénomène qui vécut au 19ème siècle à Londres. On soupçonna pendant long-temps chez Merrick une maladie de Recklinghausen, mais une analyse génétique de ses ossements a montré qu'il souffrait d'un syndrome de Protée, constitué par la présence de gigantesques hamartomes. On ne sait d'ailleurs pas si, chez Joseph Merrick, ce syndrome était ou non associé à une maladie de Recklinghausen. Joseph Merrick avait été opéré en 1890 d'une excroissance à la lèvre qui lui donnait une apparence de trompe. Il devait mourir d'étouffement durant son sommeil à l'âge de 27 ans.

En 1885, la Reine Victoria interdisait les exhibitions de ce type en Grande-Bretagne. Il était temps.

Les derniers mots sont ceux de Merrick: « Je ne suis pas un éléphant, je ne suis pas une bête, je suis un homme. »







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