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Rembrandt Harmenszoon van Rijn (1606-1669)
Jean Gavaudan, MD
Rembrandt arrive au monde dans une famille dont la vie est
dédiée au travail du pain et de la farine. Son père est
meunier, sa mère fille de boulanger. Il est le huitième enfant
d'une famille qui en comportera 10. Les Provinces Unies vont entrer dans ce
qu'on a appelé le siècle d'or néerlandais où
culture, science, commerce et politique atteignent leur
apogée.
Malgré sa naissance dans un milieu modeste, c'est donc naturellement
que Rembrandt apprend le latin, le dessin avant de partir fréquenter
les bancs de l'Université de Leyde, sa ville natale.
Auteur de 600 peintures et de 2000 dessins, Rembrandt fascine toujours.
Un des maîtres, sinon le maître du clair obscur, cette
façon magique de peindre des contrastes appuyés qui attirent le
regard, Rembrandt a eu une vie aisée et une mort misérable.
Peintre au talent reconnu très tôt à son époque, il
a amassé une fortune considérable, mais véritable panier
percé, a vécu comme un prince à une époque de
grand développement économique. On achetait, on s'endettait, et
quand on ne pouvait plus payer ses dettes, le malheur guettait toujours
derrière la porte. C'est ce qui arriva à Rembrandt.
Marié à Saskia Uylenburgh, nièce du marchand d'art qui
l'employait, Rembrandt a 28 ans le jour de son mariage. Il est
déjà connu. On lui commande des portraits et des grands
tableaux, les particuliers aussi bien que les institutions. L'argent n'est
plus son problème. Il s'installe dans une grande maison dans le
quartier juif (cette maison est aujourd'hui le musée Rembrandt).
Après plusieurs mort-nés, sa femme met au monde un garçon
qui atteindra l'âge adulte, se mariera et aura une fille. Titus, son
fils, décédera pourtant avant lui en 1668, un an avant son
père. Malgré les commandes qui affluent et qui justifient sans
doute que les élèves de Rembrandt aient « peint du
Rembrandt » pour les honorer, ce qui laisse aujourd'hui perplexes bon
nombre d'experts sur la paternité des tableaux, Rembrandt est de plus
en plus endetté. Qu'importe, les commandes affluent, ses eaux-fortes
ont un succès qui dépasse les frontières des Provinces
Unies. Tout est pour le mieux pour la famille Rembrandt.
Jusqu'en 1642.
Saskia qui toussait et s'était affaiblie progressivement meurt de
tuberculose après seulement 8 ans de mariage. Le jeune Titus n'a qu'un
an lorsque sa mère décède. Rembrandt la remplace par sa
servante, Geertje, qui s'occupera du bébé, mais que Rembrandt
n'hésitera pas à faire enfermer dans un asile
d'aliénés lorsque celle-ci revendiquera une promesse de mariage
non tenu. Les diagnostics faciles de cette époque favorisaient
l'aliénation mentale.
En 1645, Hendrickje, servante plus jeune que Geertje, la remplace
auprès de Rembrandt en tant que concubine officielle. Ils ont une fille
en 1654, Cornelia.
Rembrandt, le bon-vivant, le jouisseur, continue de profiter de la vie
à pleines brassées. Les vêtements, les pièces
d'art, les meubles, tout cela s'accumule ainsi que les dettes que Rembrandt ne
peut plus honorer en 1656.
Le voilà dans une nouvelle demeure, plus petite, plus modeste
où la famille vient s'entasser.
Hendrickje et Titus ouvrent une boutique d'art pour subvenir aux besoins
familiaux, car les commandes, même si elles gagnent en importance par
leur grandeur, diminuent en nombre. Les difficultés s'ajoutent les unes
aux autres. Hendrickje décède en 1663, Titus en 1668, Rembrandt
survit, mais les années, les souvenirs, la tristesse se lisent sur son
visage. Les autoportraits qu'il nous livre sont sans concession. Il est
bouffi, ridé, son nez est enflé, la peau semble rosacée,
à la limite d'un rhinophyme. Seul persiste ce regard aigu et fier du
maître qu'il a été. Dans ce regard, on y lit la mort qui
arrive doucement, la marque des événements tristes de sa vie, la
paupière supérieure tombe un peu, le pourtour des yeux est
gonflé. En 1669, Rembrandt décède à l'âge de
63 ans.
Lorsque Rembrandt peint la leçon d'anatomie du docteur Nicolaes
Tulp, il a 26 ans. Cette leçon d'anatomie, rare à cette
époque, peut être contemplée aujourd'hui au Mauritshuis de
La Haye. Une fois par an, la corporation des Chirurgiens d'Amsterdam, dont
faisait partie le Dr Tulp, autorisait une dissection publique. On dit que
Descartes y a assisté. Le corps utilisé alors était celui
d'un criminel exécuté. Celui-ci, Aris Kindt, est donc
passé involontairement à la postérité pour un vol
à main armée. Il avait 41 ans. Nous sommes en hiver pour des
raisons de conservation du cadavre. Le Docteur Tulp montre à ses
confrères l'avant-bras gauche disséqué, les tendons, les
muscles et les nerfs. Le cadavre n'a pas été encore
éviscéré comme cela se pratiquait.
Pourquoi ? Le mystère demeure.
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