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  Vol. 299 No. 11, 19 mars 2008 TABLE OF CONTENTS
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La danse de la vie


Figure 1
Edvard Munch, La Danse de la vie, 1900. Huile sur toile © Musée Munch, Oslo

Un visage expressif, un front bombé, le regard direct, un nez droit, une moustache fournie et tombante, le menton affirmé et les mâchoires volontaires, des volumes symétriques et proportionnés, voilà la description physique d’Edvard Munch. Mais derrière ces paupières, que cachaient ces yeux et quelle était son âme ? Un œil un peu rêveur d’un côté, l’autre plus dépressif. Difficile de lire l’énigme du maître norvégien, que certains considèrent pourtant comme un des précurseurs de l’expressionnisme.

Né à Loten en 1863, Edvard Munch a connu précocement dans la vie ce qu’était le malheur.

D’une famille religieuse et austère, avec un père médecin militaire, strict, sans fortune, le jeune Edvard connaît dès son enfance la tragédie. Sa mère meurt alors qu’il n’a que 5 ans. Sa sœur disparaît à 15 ans, victime de ce fléau du siècle, la tuberculose. Sa sœur cadette est en proie à de profonds tourments dépressifs que les médecins jugeront de type mélancolique et en définitive, parmi les cinq enfants que compose sa famille, seul son frère Andreas arrivera à un âge suffisamment mature pour se marier. Il meurt en toute logique quelques mois après la cérémonie. L’environnement du jeune Edvard est donc fait de malheurs et de tristesse et son œuvre s’en ressentira toujours.

Mais, né dans un milieu d’intellectuels et d’artistes, il possède « la fibre », celle qui va le mener à la composition, exutoire d’une passion tragique et des êtres qui ont marqué sa vie et qui l’ont laissé poursuivre la sienne. Tous ces parents perdus, tous ces êtres chers qui lui ont dit un jour que l’avenir n’existait pas pour eux.

Sa mère, la première, dont il relatera la fin dans son journal intime, sa sœur, ensuite, dont il retranscrira la disparition dans ses tableaux.

Il n’aurait pu devenir qu’un peintre morbide, il sera plus que cela.

Edvard décide brusquement le 8 décembre 1880, alors qu’il n’a que 17 ans de devenir peintre. Il l’annonce et suit son destin sans faillir.

Premier peintre formé en Norvège, pays nordique, peu ouvert à cette époque vers l’extérieur, Edvard décide de partir pour Paris où il arrive en 1885. Coïncidence ou pas ? Il y peint l’enfant malade et se lance dans de nombreux tableaux naturalistes. Mais, Paris, en 1889, ce n’est pas que l’ennuyeuse Troisième République, c’est aussi G. Eiffel et sa tour, l’exposition universelle, le roman populaire, la vie qui renaît, bref la création. Au cours des quelques années qui suivent, Edvard fera de nombreux voyages entre son pays et la capitale française. Il se familiarise avec Gauguin, Lautrec, et ce nouveau style que l’on appelle l’impressionnisme.

Son esprit est ouvert à la recherche, à la création. Il part pour Berlin où il peint, peint jour après jour, saisi de cette folie créatrice qui caractérise cette période allemande.

Edvard Munch devient célèbre dans son pays. En 1909, Il décore l’Université d’Oslo et est reconnu comme le peintre norvégien. L’impressionnisme est loin, il est post-impressionniste et déjà expressionniste.

Edvard, marqué par le pessimisme radical de Schopenhauer et surtout de Nietzsche, est dépressif. Il traîne son passé et compense en buvant. Atteint de dépression alcoolique, il est soigné en Allemagne, mais sa seule thérapie reste la peinture.

Dès 1885, alors qu’il avait déjà mis en scène son malheur et projeté sur la toile sa sœur Sophie dans la « jeune fille malade », il exprimait son angoisse existentielle. Au fil des années, ses toiles vont devenir de plus en plus symboliques et illustrer dans un cycle toutes ses obsessions : l’amour, mais aussi la mort et la douleur. Les titres de ses œuvres sont en eux-mêmes des résumés sans concession de son psychisme : le cri, l’anxiété, la voix, cendres, danse de la vie.

L’homme et la nature se rejoignent dans un cycle de vie et de mort.

Dans le cri (1893), le peintre nous signifie « je suis hanté, je fuis, le ciel sombre et je sombre avec lui ». Merveilleux d’expressionnisme, le « cri » aura un profond impact sur la vie intellectuelle européenne.

Face à son miroir, Edvard Munch est le seul à lire ce qu’il voit. L’anxiété le ronge et le brûle, l’anxiété, c’est l’enfer, c’est ce ciel rouge sanglant et flamboyant qui tournoie au-dessus de fantômes plongés dans l’obscurité sans espoir de la vie. (Anxiété, 1894).

La religion ne lui a pas donné de salut et Munch dans son analyse personnelle recherche un salut. Car, la vie en elle-même n’apporte pas le salut. Les êtres ont une conscience qui se dilue, ne leur appartient pas. « Cendres » (1894) illustre bien son tourment. Le blanc des vêtements de la femme aux cheveux de méduse s’oppose au noir de la conscience de l’homme qui, affaissé, pleure sans doute sur son destin sans espoir. Cendres, tout partira en cendres. De poussières en poussières, l’être n’est plus le maître, le malheur seul le guide.

Les tableaux d’Edvard Munch mettent en scène sa vie, les êtres qui lui sont ou qui lui ont été chers, ses inimitiés, ses espoirs, rarement ses rêves, car en a-t-il ou sont-ils des cauchemars ?

Dans le tableau « Danse de la vie » (1894), tous les personnages correspondent aux êtres qui l’entourent, sa femme Tulla, avec laquelle il ne s’entend pas et sur laquelle se vautre le gros Gunnar Heiberg qui les a présentés l’un à l’autre. Lui-même est cet homme efflanqué et pâle au centre de la toile, étroitement mêlé à sa cavalière, symbolisme d’une relation sexuelle qui ne veut pas s’avouer.

Malaise, vous avez dit malaise ? C’est Edvard Much qui fait prendre conscience, au travers de son pessimisme, du « malaise social et spirituel » de cette fin de siècle, de ces empires qui, trop rigides, allaient s’effondrer sous la tension des aspirations. Son œuvre, d’inspiration violente, traduit plus que ses fortes émotions et explose dans des couleurs violentes, reflets du monde qui allait s’écrouler dans la deuxième guerre mondiale.

Munch est au début du 20ème siècle connu dans le monde entier. Ses travaux qu’il mène parallèlement à de graves crises alcooliques influencent de nombreux peintres. Ce qu’il cherche, c’est ce que tout être cherche : « les forces éternelles de la vie ». Que des sociétés rigides aient crié au scandale devant cet anarchisme de la pensée et du psychisme, devant ces êtres dont la souffrance ne reflétait que trop bien le malaise de son temps, est très compréhensible. En revanche, c’est parce qu’il a si bien compris que la quête de l’individu n’est souvent qu’une fuite devant l’angoisse existentielle, que Munch a été si bien perçu par ses contemporains et qu’il soit, aujourd’hui plus que jamais, un peintre « moderne ».

Jean Gavaudan, MD







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