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  Vol. 299 No. 12, 26 mars 2008 TABLE OF CONTENTS
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La ballade de l’amoureux jaloux de Lone Green Valley


Figure 1
Thomas Hart Benton, 1889-1975, La ballade de l’amoureux jaloux de Lone Green Valley, 1934, Etats-Unis © 2008 Spencer Museum of Art

C’est un peintre presque contemporain qui nous intéresse aujourd’hui, car si Thomas Hart Benton est né au XIXème siècle, il a vécu tous les grands événements artistiques et politiques qui allaient bouleverser le monde jusqu’à son décès en 1975. Ce peintre est étonnant à plus d’un titre. Il appartient à un mouvement que l’on a appelé aux Etats-Unis les "régionalistes" et aujourd’hui est considéré comme un peintre plutôt réactionnaire. Il a pourtant formé Jackson Pollock qui allait devenir l’iconoclaste de la peinture, celui qui allait briser tous les tabous de la peinture européenne en inventant la technique du " dripping " (la peinture coule sur la toile d’un pot percé au gré de l’inspiration du peintre qui n’est plus un peintre, mais devient la peinture elle-même). Avec Gottlieb, Rothko, et Baziotes, Pollock deviendra l’un des "faiseurs de mythe" de l’Amérique. Avant ce groupe, la peinture européenne était prédominante, après eux, elle sera provinciale.

Mais revenons à Benton. Né dans le Missouri, à Neosho, le 15 avril 1889, il passe sa jeunesse dans de nombreux internats scolaires de la région puis à Washington. Tôt, il entre comme dessinateur au Joplin American in Missouri ce qui ne le satisfait pas. Benton est à la recherche d’un art nouveau, mais pas d’un art moderne. Pour apprendre et se perfectionner, il part à Chicago et commence ses classes à l’Art Institute de Chicago, puis en 1908, à l’âge de 19 ans, quitte les Etats-Unis pour Paris où il demeure trois ans. Son assiduité n’est pas parfaite, Benton fréquente épisodiquement l’Académie Jullian et l’Académie Colarossi où il ne laisse pas un souvenir marquant. Durant son séjour en France, Benton est profondément impressionné par la peinture de Cézanne, sa façon de décomposer les paysages, les êtres et la lumière, sa façon aussi de peindre les scènes locales de sa région natale. C’est avec ces souvenirs, mais aussi déjà sa propre idée qu’il quitte en 1912 une Europe qui n’avait pas encore été dévastée par la guerre et retourne aux Etats-Unis.

À New York d’abord, il retrouve son ami Stanton MacDonald Wright et commence sous son influence une période synchromiste. Mais, bientôt, Benton va évoluer vers son propre style et deviendra avec John Stewart Curry et Grant Wood, un des chefs de file du mouvement régionaliste.

Il refuse le terme de moderniste qui lui rappelle trop l’Europe. Ce qu’il veut, c’est créer un style typiquement américain en travaillant à la fois la composition et la technique maniériste des peintres du début du XVIème siècle comme El Greco. L’influence de ce dernier se ressent dans les personnages de ses tableaux, souvent déformés, allongés, portant sur leur physionomie la souffrance intérieure. Il travaille avant tout la composition de ses tableaux et forme des ensembles où l’équilibre est au mieux décrit. Brillamment colorés, ses tableaux se veulent le reflet d’une Amérique idéale. Devenu extrêmement populaire dans les années trente, il se voit confier de nombreuses compositions murales pour des bâtiments publics, notamment dans le grand salon du Capitole de l’état du Missouri à Jefferson City et à la bibliothèque Truman. L’exaltation de la puissance, de l’industrie et de l’agriculture américaine avait trouvé son chantre.

Dans le tableau présenté aujourd’hui, Benton décrit une ballade populaire des Etats-Unis dont on trouve plusieurs versions. La jeune femme a été entraînée par son ami dans la campagne, mais, fatiguée, demande à rentrer. Celui-ci l’accuse de ne pas l’aimer, de le trahir et la poignarde. La composition de ce tableau est assez étonnante. Benton met en scène une pièce de théâtre. Les musiciens constituent le premier plan et ne s’intéressent pas à ce qui se déroule derrière eux. Ils racontent la ballade. Derrière eux se joue le drame, le paysage est courbe, mouvant, les amants sont isolés sous la lune, la scène est close et personne ne viendra aider la jeune femme. L’amant, son couteau à la main, va passer à l’acte. Cette tragédie qui ne reflète pas l’idéal américain de Benton a été peinte en 1934 lors d’un voyage dans les Ozarks. Les personnages correspondent bien à ceux qui vivaient à cette époque dans ces régions, au point où le tableau sera classé comme le stéréotype même des gens de la région.

Mais petit à petit, dépassé par un monde en plein changement, dépassé par ses propres élèves que le monde concret n’intéresse pas, il perd de sa popularité. La deuxième guerre mondiale sera son chant du cygne. Ses tableaux célèbrent encore la gloire de l’Amérique en guerre, mais celle-ci terminée, Benton perdra son crédit et ses tableaux, qui n’ont pas évolué, seront considérés comme trop provinciaux. Benton décède le 19 janvier 1975 dans son studio, laissant derrière lui un immense et important témoignage de ce que fut à ses yeux la vie des régions américaines. Comme dans la ballade, Benton a sans doute pensé que, "bien que ce soit mon dernier souffle, je ne t’ai jamais déçu, avant de clore ses yeux". Son pays l’a aimé, et même lorsque celui-ci l’a rejeté, il a continué à l’aimer.

Jean Gavaudan, MD







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