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  Vol. 299 No. 17, 7 mai 2008 TABLE OF CONTENTS
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Le baiser


Figure 1
Carolus-Duran (1838-1917): Le baiser, français, 1868 © Palais des Beaux-Arts, Lille, France

Le choix de ce tableau n’est pas anodin. Il est vrai qu’un choix implique toujours une prise de décision qu’elle fasse ou non l’unanimité. Nous avons donc choisi le tableau d’un peintre que l’on a qualifié à une certaine époque de « moderne ». Carolus-Duran, moderne ! Quel choix étrange pour un peintre qui fut loin de rassembler sur son nom l’ensemble des critiques. Nom d’ailleurs étrange pour un peintre bien français.

Lillois de naissance, Charles Durand a tôt voulu sortir de l’anonymat où l’avait plongé son patronyme. Que les Durand de France nous pardonnent, mais quand on est peintre et d’un talent contesté, on essaie de briller comme l’on peut. Sans être aussi méchant que Thadée Nathanson (qui se souvient de lui ?), qui, en 1943, ne retenait comme trait de génie du peintre que le choix de son nom, il convient de dire que Carolus-Duran, en dépit du nombre impressionnant d’œuvres qu’il laissa, ne fut pas un artiste de génie. Un bon peintre sans plus, mais déjà un bon peintre.

Il est aussi vrai que les peintres de cette époque, que l’on redécouvre périodiquement, avaient une maîtrise technique de leur art que certains peintres actuels pourraient envier.

Peintre de la bourgeoisie, admirateur et ami de Manet (mais sans l’égaler) et de Vélasquez (mais sans le génie sombre et moderne de celui-ci), Carolus-Duran est né à Lille en 1837 et est mort à Paris en 1917. Certaines encyclopédies lui dédient un homme fort bref, souvent en trois lignes. Trois lignes, c’est déjà beaucoup pour un peintre qui a côtoyé un siècle de peinture marquée par le génie des uns et des autres. Se faire une place quand vos contemporains s’appellent Manet, Sisley, Renoir, Courbet, Van Gogh, Degas. Difficile !

Fallait-il pour autant ne voir en lui qu’une peintre « tapageur et vulgaire » comme le décrivait Emile Verhaeren, un homme de « mauvais goût ».

Fallait-il le décrire comme l’a fait le tempétueux Emile Zola comme un élève de la nouvelle école. Ecoutons Zola à propos de Carolus-Duran : « Carolus Duran est un élève de la nouvelle école. Je l’offenserais beaucoup, sans doute, en le traitant de disciple de Manet. Mais l’influence est incontestable. Seulement Carolus Duran est un adroit ; il rend Manet compréhensible au bourgeois (auquel on s’en doute Emile Zola ne prêtait aucune qualité morale et intellectuelle, mais de cela on s’en doute), il s’en inspire seulement jusqu’à des limites connues, en l’assaisonnant au goût du public. (Cela dit, Zola, ne l’assaisonnait pas en écrivant cela, il l’assassinait). Ajoutez que c’est un technicien fort habile, sachant plaire à la majorité (on voit qu’à cette époque déjà, il s’agissait d’un défaut). Il jouit d’une grande renommée (ce qui n’est jamais bon), pas aussi solide que celle de Cabanel (1823-1889, qui s’en souvient ? Il fut l’un des maîtres de Carolus Duran), mais plus bruyante : c’est celle d’un artiste dont on craint encore quelque incartade peu convenable... Bref, c’est un talent très intéressant mais d’une originalité douteuse ».

Lorsqu’on parle de Carolus Duran, le nom de Manet revient sans cesse. Manet et Carolus Duran, une amitié entre les deux peintres dont on a beaucoup parlé. Le premier influençant le second ou le second ne reprenant que les défauts du premier. C’est une question non résolue à ce jour.

L’œuvre de Carolus Duran, extrêmement variable, a couvert un ensemble très éclectique. Connu de la bourgeoisie pour ses portraits classiques et de qualité variable (comment peut-on alors le qualifier de « moderne »), il peindra ainsi jusqu’à la fin de sa vie.

Peintre officiel, il tomba dans l’oubli, emporté par la tourmente des impressionnistes, mais il demeura le peintre officiellement reconnu et admiré de la IIIè République (quand on regarde son œuvre, on ne peut en effet s’empêcher de penser que cet homme se moula dans son époque et qu’il colla parfaitement à ce renouveau bourgeois qu’elle incarnait).

Avec Puvis de Chavannes et Messonier, il fonde la Société Nationale des Beaux-Arts en 1890 (il a alors 52 ans), un âge respectable à cette époque pour un homme qui l’était encore plus) et terminera Directeur de l’Académie de France à Rome de 1904 à 1913.

Fut-il décadent, classique, moderne ou romantique ? Probablement tout à la fois et trop à la fois pour ceux qui ne jugeaient et ne juraient que par leur école. Faut-il en effet classer ce peintre ? Le plaisir de créer n’était-il pas suffisant pour Carolus Duran ? En sortant des écoles et de ce qu’elles ont de restreint, on peut aujourd’hui apprécier ce peintre pour ce qu’il a laissé de meilleur et qui lui a probablement valu autant de mépris de ne pas avoir toujours été compris à une époque qui évoluait vite et où la recherche et la création triomphait du classicisme.

Le tableau en couverture (Le baiser) appartient à cet héritage composite du peintre. Le baiser est tout à la fois, moderne, osé pour l’époque (on avait sans doute oublié les ébats des sujets de François Boucher), romantique et académique. Peint par Manet, on aurait crié au génie, peint par Carolus Duran on a dit : « ce charriage de peinture poussiéreuse », et pourtant, que de charme dans ce baiser !

Jean Gavaudan, MD







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