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  Vol. 299 No. 23, 18 juin 2008 TABLE OF CONTENTS
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Famille de paysans dans un intérieur


Figure 1
Louis le Nain, 1593-1648, Famille de Paysans dans un intérieur, français © Musée du Louvre, Paris. Huile sur toile

Faut-il parler de Louis Le Nain, d'Antoine Le Nain ou de Mathieu Le Nain. Difficile de répondre à cette question. Les trois frères ont peint ensembles la majorité de leur vie et se sont finalement installés dans le même atelier à Paris en 1648.

Epoque troublée, époque de transition. Le cardinal de Richelieu, mort cinq ans plus tôt, avait laissé une France sinon en deuil, du moins orpheline d'un grand homme d'état. Le cardinal Mazarin, nommé par Louis XIII au Conseil du roi dès la mort du cardinal de Richelieu (le 4 décembre 1642), allait trouver une France dont il ignorait pratiquement tout. Une France moins étendue qu'actuellement, à laquelle il manquait au nord les Flandres puisqu'Arras était ville espagnole, une France déjà sans l'Alsace et la Lorraine, mais aussi sans la Franche-Comté, une France dont une partie des Alpes cherchait son appartenance. Ce n'étaient pas les habitants qui s'inquiétaient vraiment de savoir où se situait la frontière. On passait allègrement d'une crête alpine à une autre sans distinction de nationalité. Une France enfin où les Pyrénées étaient encore partiellement espagnoles et les provinces protestantes rattachées par Henri IV restaient volontiers frondeuses. Environ 17 millions de français y vivaient, encore qu'il soit relativement difficile de savoir avec précision combien d'habitants constituaient la France d'alors.

Cette France était encore profondément sous-développée. Absence d'hygiène, absence de soins, épidémies répétées n'épargnant personne, ni les pauvres ni les puissants, famine chronique et carences alimentaires étaient le lot quotidien du petit peuple et des paysans. Sur les routes et dans les villes circulaient des centaines voire des milliers de mendiants, toujours prompts aux rapines en dépit d'une justice impitoyable. La France d'alors était essentiellement paysanne, quatre-vingts pour cent des Français étaient paysans. Leurs problèmes, peu éloignés de ce que nous rencontrons actuellement, étaient d'une part de payer les impôts, d'autre part d'avoir et d'élever des enfants. On voit que si les décideurs ont changé à notre époque, les problèmes restent les mêmes à travers les siècles. Les paysans avaient avant tout la préoccupation de se nourrir et de nourrir leur famille. L'essentiel de l'alimentation était à base de céréales, les " bleds ", allant du froment à l'orge en passant par le sarrasin, le maïs ou le méteil. Parfois des légumes de mauvaise qualité, des glands dans les régions productrices, des herbes que l'on faisait bouillir et des racines quand il n'y avait plus rien. Les jours gras étaient ceux du lard pour les plus chanceux, lard que l'on économisait et que l'on réservait souvent aux travailleurs, mais avant tout au père autour duquel se constituait la cellule familiale.

On serait tenté de dire que le paysan en France connaissait déjà la flexibilité du travail. Car, son travail d'agriculteur ou d'éleveur ne lui suffisant pas pour faire vivre sa famille, il se louait partout où il le pouvait. Parfois chez des fermiers plus aisés, parfois à des seigneurs locaux, enfin souvent chez lui en aidant sa femme à travailler l'osier ou la laine. Les fermes, petites, basses de plafond, sans hygiène, abritaient un ensemble coloré, varié et résigné où bêtes et hommes se côtoyaient pour le meilleur et plus souvent pour le pire. Au sol, de la terre. Au plafond, souvent ce que l'on trouvait sur place dans la région.

Un tableau peu apte à nous réjouir, mais bien réel, tableau qu'aggravaient les guerres et les campagnes militaires que menait l'état français au Nord ou au Sud, contre l'ennemi de toujours, l'Espagne.

En 1643, Louis XIII meurt et Anne d'Autriche est déclarée régente absolue (le 18 mai 1643).

Le jeune roi (le futur Louis XIV) n'a que cinq ans.

Le pays va plonger en quelques années dans le chaos politique.

Les guerres ont endetté la France, la corruption des agents de l'état aggrave le sentiment d'injustice. Les nouvelles taxes envisagées soulèvent des protestations, surtout des plus aisés. Paris gronde et 1647 voit les premières échauffourées, la troupe et la milice interviennent, le calme provisoire revient mais les problèmes demeurent.

C'est en 1648, année dramatiquement instable où la monarchie française vacille et où la monarchie anglaise bascule avec la tête de Charles 1er d'Angleterre, que les frères Le Nain s'installent définitivement à Paris. Les trois frères, Antoine, Louis et Mathieu ne se distinguent pas réellement l'un de l'autre au point que certains de leurs tableaux ont été attribués tantôt à l'un, tantôt à l'autre.

Signant par ailleurs Le Nain, il est difficile de distinguer l'un de l'autre parmi les soixante tableaux que les trois frères ont peints, mais il est communément admis que Mathieu a peint des tableaux d'inspiration plus religieuse que ses frères.

Louis est cependant le plus important et le plus intéressant. Né à Laon en 1593, il peint de façon baroque la vie paysanne et laisse un témoignage précieux sur son époque. Ses paysans sont pauvres, dignes et mystérieux, fixant le peintre comme l'objectif d'une caméra. Le tragique rejoint la poésie. Une grande mélancolie se dégage de ses tableaux et ses sujets sont bien loin des préoccupations des Grands de cette époque. Louis peint avec réalisme et poésie. Ce sont des clichés nostalgiques d'un siècle en mouvance où les laissés-pour-compte se résignent avec dignité devant l'œil du peintre. Il a ainsi laissé des représentations solennelles des pauvres de la France rurale, représentations réalistes mais jamais populaires, où la poésie transcende la pauvreté des hommes (Le Repas des paysans, 1642, La Charrette, 1641, Paris, Louvre). Louis Le Nain a su donner des lettres de noblesse à une frange de la population qui n'en avait pas et dont l'existence était bien le cadet des soucis des classes plus aisées.

Dans le tableau " intérieur paysan " peint aux alentours de 1640-1645, on retrouve trois générations de paysans réunis autour d'une table et d'une maigre pitance. En dépit de la pauvreté, tous regardent le visiteur avec dignité et la grand-mère à gauche, solennelle malgré la grande simplicité de son habillement, offre un accueil bienveillant au peintre. A terre, jouent chien et chat ajoutant une note plus intime et détendant une atmosphère malgré tout pesante. Le tableau est typique des intérieurs paysans français de l'époque de la fin du règne de Louis XIII. S'y ajoutent la poésie et la nostalgie propres à Louis Le Nain.

Malheureusement, peu après son installation à Paris, devenu membre de l'Académie Royale de peinture et de sculpture, Louis Le Nain disparaît, suivi peu de temps après et la même année par son frère Antoine.

Mathieu qui leur survit terminera certains de leurs tableaux et sera officiellement reconnu en faisant les portraits de Mazarin et d'Anne de France. Il vivra encore trente ans avant de s'éteindre en 1677 juste avant l'apogée du règne de Louis XIV. Il aura ainsi connu trois rois et trop de guerres.

Les frères Le Nain tombent alors dans l'oubli et ce n'est que bien plus tard qu'ils seront redécouverts et reprendront la place qu'ils méritent au panthéon des peintres français.

Jean Gavaudan, MD







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