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  Vol. 300 No. 10, 10 septembre 2008 TABLE OF CONTENTS
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L’amour sacré


Figure 1
Vecellio, dit Le Titien (1490-1576), « L’amour Sacré », Italien

© Le Louvre, France

Charles Quint, qui régnait sur un domaine, sur lequel jamais le soleil ne se couchait, lors d'une séance de pose chez le peintre Titien, plie son impérial genou pour ramasser et redonner au peintre son pinceau tombé à terre. L'empereur qui ne connut jamais de défaite s’en va ensuite attendre la mort et prier pour son salut dans le Monastère de Yuste.

Titien a alors 95 ans, il correspond encore avec sa très Sainte Majesté Philippe II d'Espagne pour le règlement de ses toiles. Philippe II finit par accorder quelques rentes à Orazio le fils du Titien. L'art du portrait en cette époque rejoint l'art de se faire payer par les grands de ce monde !

A travers les siècles, les chemins de l'histoire du hasard ont fait qu’un des derniers autoportraits de Titien a été longtemps la propriété de Rubens. Un géant après l'autre tient le pinceau dans les cours d'Europe et devient l’historien et le biographe du fil du temps.

En peinture, la naissance du portrait ou la représentation de personnes identifiables apparaît tardivement. Au XIV-XVe siècle, les peintres italiens, comme Giotto di Bondone, commencent à individualiser leurs personnages. Progressivement les portraits apparaissent dans des compositions religieuses. Nous l'observons dans « l'Amour Sacré ». Mais ce n'est qu'au début du XVe siècle que le portrait s'érige en genre autonome, à Florence et en Flandres. En Italie, les personnages sont le plus souvent peints en buste. Le fond évolue rapidement, d’abord neutre puis décoratif : il représente un intérieur ou encore un paysage. De leur côté, les primitifs flamands peignent leurs sujets avec un grand réalisme. Au XVIe siècle, le développement du portrait de cour à Venise impose un style international grâce à Giorgione et au Titien, qui peint aussi bien François Ier que Charles Quint. Car, cet art se transforme à cette époque, essentiellement en art de cour.

Au XVIIe siècle, Petrus Paulus Rubens, et surtout Anton Van Dyck, en Angleterre, rénovent les formules du portrait des princes. Ils lui apportent une vivacité parfois absente des tableaux d'apparat. La pose se diversifie. L'ensemble de la composition concourt à mettre en valeur les qualités du monarque.

Tiziano Vecellio, dit Titien ou Le Titien, est issu d'une famille de la noblesse de Pieve di Cadore en Italie. Il sera poussé très tôt vers le domaine des arts. Enfant, il est envoyé à Venise pour y suivre une formation de mosaïste dans l'atelier de Sebastiano Zuccato. C'est en 1516, après la mort de Giovanni Bellini, qu'il est nommé peintre officiel de la Sérénissime République de Venise et qu'il devient le peintre majeur de toute la région, sa réputation, son prestige et son talent ne sont égalés que par la fortune qu'il amasse. Les commandes viennent de toutes parts. Il réalise cette même année « L'Assomption » pour la Santa Maria de Ferrare. En 1518, il entreprend la réalisation de trois bacchanales destinées à Alphonso d'Este, Duc de Ferrare. Ainsi, de 1518 à 1523, il composera « l'Offrande à Venus », « La Bacchanale » et « Bacchus et Ariane ». Au travers de cette série mythologique, Titien s'éloigne des thèmes de l'idylle au profit d'un réalisme appliqué (nous sommes encore loin du réalisme d’un Andy Warhol).

Le Titien peint le tableau « L'Amour Sacré » en 1514 alors qu'il n’a que vingt-cinq ans pour célébrer le mariage de Nicolo Aurelio et Laura Bagarotto. En fait, il s'agit de la seconde partie d’un tableau plus connu sous le titre « L'Amour sacré et l'Amour profane ». Le titre vient d'une interprétation moralisatrice religieuse du 18e siècle. La scène est convaincante de sincérité, émouvante de sensibilité et d’innocence. L'œuvre du Titien est un tableau emblématique représentant tout d'abord les amours courantes dans la philosophie humaniste de cette époque. En réalité, deux tableaux sur ce thème ont été peints par Titien, l'idée de deux Vénus, des Geminae Veneres, Vénus jumelles personnifiant, l'une, la beauté éternelle, inaccessible, l'autre, la beauté visible et périssable. L’Amour Sacré est une allégorie qui aurait la plus grande ressemblance avec la deuxième femme du Titien, en particulier pour ce qui relève des attributs : symbole de l'amour de Dieu, la femme est jeune et nue, elle désigne, le bonheur éternel et non le bonheur fugitif, elle a le regard paisible, attentif et serein de la femme aimée et qui se donne. Il n’y a pas de confrontation avec la vie, mais une joie de vivre qui nous semble familière, portant ses amours avec la fierté des femmes de l'Italie du Nord, comme il ressort et comme il se doit. La Femme éternelle comprise ici selon cette époque, protège ses amours et s'enferme dans une réserve muette, sa bouche très sensuelle est fermée et n'adressent des trésors d'éloquence, de sa douceur de vivre, de sa voix, qu’à son mari. Elle n'est pas une prude mortelle qu'on veut amener à de meilleurs sentiments, elle est en toute simplicité le symbole de la féminité, la personnification d'un idéal de vie encore attaché aux choses éphémères, aux parures, aux fleurs et à la nature. On serait tenté de dire la meilleure partie de la vie. Toutes les exigences du Titien sont représentées dans ce tableau allégorique peint à l'occasion d'un mariage.

L'image d'une déesse de l'amour convient sans doute à ce genre de tableau. Titien a surpassé la poésie lyrique délicate et la finesse révélant tout à la fois, dans un exercice difficile, la beauté, la volupté et la sérénité de la femme aimée. Le Titien, défiant les compositions religieuses, comparé à Giovanni Bellini ou Giorgione donne une splendeur classique et gracieuse à ce personnage et témoigne avec une aisance fascinante que l'Amour est sacré.

Emma Guerlain, MA







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