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  Vol. 300 No. 13, 1 octobre 2008 TABLE OF CONTENTS
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Le Lac d’Annecy


Figure 1
Paul Cézanne 1839 -1906, Le Lac d’Annecy, 1896, français © Courtauld Institute of Art Gallery, Londres

Quel choc ! Seul l’attrait de l’amitié et le besoin d’une détente après les lourdes chaleurs du midi avait amené Paul Cézanne à Talloires, sur les bords du lac d’Annecy, loin de sa Provence natale, de ses couleurs et de ses lumières.

Une rencontre naît entre le peintre et sa quête de l’absolu reliant la matière, l’ombre, la lumière et la couleur.

A la générosité accueillante du paysage, il ressent la crainte de ne pouvoir l’exprimer. Pourtant , un soir, sous les voûtes de cette abbaye plusieurs fois centenaire dans le merveilleux site que forme la baie entourée de montagnes, Paul Cézanne est saisi par la frénésie de dessiner et de peindre ces paysages, les collines et les hauteurs sauvages éclairées par un ciel lumineux, se reflétant dans les eaux bleues transparentes et calmes comme dans un lagon parfois bercées par de petites vagues où les cygnes blancs rompent les couleurs et les mouvements .

L’obligeant et l’incitant à suivre avec gravité la vie intense rythmée de cette anse de Talloires, Paul Cézanne traduit sur la toile une végétation abondante et riche, autour du lac, une abbaye au ras de l’eau invitant les bateaux à s’amarrer et à mettre pied à terre. Une terre qui offre à l’étranger le bien-être et la douceur de vivre.

Ce site privilégié de Talloires a été habité en 866 par Lothaire II – arrière petit-fils de Charlemagne – qui en fit don à sa première épouse Thiberge lorsqu’il la répudia, avec ordre d’y résider. Elle y vécut jusqu'à sa mort, mais durant son long exil, elle fait édifier à Talloires, là où plus tard s’élèvera la fameuse Abbaye, une cella, petit établissement religieux fort modeste : une chapelle et, aux alentours, quelques abris ouverts aux moines errants qui marchaient à l’aventure.

Une révélation, cette abbaye, qui donne au peintre un flux d’énergie puisé à la source d’une nature qu’il ne connait pas, il explore les torrents et les ravins, les montagnes rocheuses et les sentiers escarpés aux sources d’une vraie nature, il découvre ce qu’il est venu chercher : « Trouver les volumes », voilà qu’elle est la véritable obsession de Cézanne, « faire du Poussin sur nature », faire quelque chose de solide ». C’est dans la verticalité des roches, les escarpements des terrains, le bleu intense presque méditerranéen que Cézanne trouve une lumière crépusculaire qui éclaire un château sur les rives d’une eau tranquille. Là gisent les motifs adéquats à cet environnement où, contrairement à la Montagne Sainte Victoire, qui domine l’essentiel de son œuvre, c’est le bleu du Lac d’Annecy qui se reflète, puis les montagnes qui deviennent roses, mauves ou bleues délaissées par le soleil couchant.

C’est en Provence que Cézanne a appris à fondre ces couleurs, et c’est sur ce tableau qu’il dessine et met en vie une nature exubérante et un nouveau mode d’expression totalement romantique. Une symphonie s’offre sous nos yeux :

« quand la couleur, disait-il, est à sa puissance, la forme est à sa plénitude". Parmi les peintres impressionnistes du XIXe, l’œuvre de Cézanne est probablement la plus difficile et celle qui fut et reste encore aujourd'hui la plus mal comprise, voire la plus controversée. Ce sont ses amis peintres, notamment Pissarro, Renoir et Degas qui surent, les premiers, déceler ses intentions et reconnaître ses qualités. Pendant la période « impressionniste », sous l’influence de Pissaro auprès duquel il s’installe à Auvers-sur-Oise, vers 1872-1873, il fréquente Van Gogh, Guillaumin et le docteur Gachet. Dans ses œuvres d’alors, le ton est donné par touches toujours épaisses mais plus subtiles que dans la période romantique, sans jamais renier la leçon de fraîcheur, de vibrations colorées et lumineuses que les impressionnistes apportèrent à la peinture de leur époque.

Mais chez lui la modulation de la couleur recherche désormais davantage à exprimer les volumes que les effets atmosphériques et de luminosité. C’est Renoir qui rapporte l’incompréhension d’Emile Zola lorsque Cézanne lui confie sa préoccupation de « trouver les volumes » : Zola essayait de lui démontrer la vanité d’une telle recherche. « Tu es doué. Si tu voulais seulement soigner l’expression. Tes personnages n’expriment rien ! » Un jour Cézanne se fâche. « Cézanne s’engage toujours plus loin dans cette voie qui s’achève en 1906 sur « le motif », ne cessant de se recommander de la nature : « L’étude réelle et précieuse à entreprendre, c’est la diversité du tableau de la nature »; « j’en reviens toujours à ceci : le peintre doit se consacrer entièrement à l’étude de la nature, et tâcher de produire des tableaux qui soient un enseignement. » Mais il avait conscience du défi qu’il s’imposait à lui-même et le doute l’étreignait souvent : « On n’est ni trop scrupuleux, ni trop sincère, ni trop soumis à la nature; mais on est plus ou moins maître de son modèle et surtout de ses moyens d’expression». De fait, il se plaint que « les sensations colorées qui donnent la lumière sont chez lui une cause d’abstraction qui ne lui permet pas de couvrir sa toile, ni de poursuivre la délimitation des objets lorsque les points de contacts sont ténus, délicats. Par discipline, Cézanne ne « fond » jamais : d’où l’aspect d’incomplétude que présentent certaines études de la montagne Sainte-Victoire, ou le caractère abrupt, rébarbatif pour le profane de ses personnages, voire informe des Baigneurs ou des Baigneuses pour lesquels s'ajoute le manque de modèles dans l'endroit voulu. « D’un autre côté, les plans tombent les uns sur les autres », avoue-t-il.

C’est que la formule cézanienne est d’une ambition démesurée.

Pragmatiquement, Cézanne, dont l’œil était capable de peser les tons, les valeurs comme au milligramme, peut créer des chefs d’œuvre, ou aboutir à des échecs qui restent supérieurs aux réussites de la plupart des autres peintres. » Malgré tout ce qu’a pu dire et écrire, Emile Zola « Paul peut avoir le génie d'un grand peintre, il n'aura jamais le génie de le devenir », annonçant ainsi le drame de Paul Cézanne, toujours insatisfait de son travail.

Il devient pourtant le chef de file de la nouvelle école de « Plein air ». Revenant toujours sur le motif, et toujours désireux de faire mieux que la veille et d'approcher davantage la réalité, il contemple, dans le silence ; dans un face à face : "l'œil écoute", comme disait admirablement Claudel ; dialogue muet dans cette solitude. Son esprit et son cœur lentement pénètrent la matière, en apparence inerte, qui retient son regard. Il veut, douloureusement, lui arracher son secret, le mystère de son âme. Voici la communion peut-être à la suite de tant d'efforts. Touche après touche, il crée, il recrée, il anime. « Le temps et la réflexion ».

Il décède à l’âge de 67 ans dans sa Provence natale après avoir peint maintes fois son thème favori la Montagne Sainte Victoire.

Emma Guerlain, MA







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