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Vol. 297 No. 14, 11 avril 2007 |
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L'examen Clinique Rationnel |
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LES PAGES DU PRATICIEN
Ce patient présente-t-il une pneumonie acquise sous ventilation assistée?
Michael Klompas, MD
RÉSUMÉ
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Contexte La pneumonie acquise sous ventilation assistée (PAV)
est une infection nosocomiale fréquente et grave. Son diagnostic exact
et précoce permet d'administrer un traitement adéquat aux
patients affectés et d'éviter un traitement inutile à
ceux présentant d'autres affections.
Objectif Analyser la littérature médicale
publiée décrivant la précision et l'exactitude des
données cliniques, radiographiques et biologiques dans le diagnostic de
la PAV bactérienne par rapport à l'examen histologique en
méthode de référence.
Sources de données Articles de langue anglaise,
identifiés par une stratégie de recherche structurée
utilisant MEDLINE (janvier 1966-31 octobre 2006) et Google Scholar. Des
articles supplémentaires ont été identifiés dans
les listes de références des études et des revue
trouvées par la stratégie de recherche.
Sélection des études Les études incluses
décrivaient les critères cliniques associés à la
PAV chez 25 patients ou plus sous ventilation mécanique, ayant subi par
la suite une biopsie pulmonaire ou une autopsie. Quatorze études
décrivant les caractéristiques cliniques chez 655 patients
répondaient aux critères d'inclusion.
Extraction des données Les données étaient
extraites dans un formulaire structuré permettant de calculer les
rapports de vraisemblance (RV) pour chaque signe individuel ou combinaison de
critères.
Synthèse des données La présence ou l'absence
de fièvre, d'anomalie du taux de leucocytes, ou de
sécrétions pulmonaires purulentes ne modifient pas
substantiellement la probabilité de PAV. Cependant, la présence
d'un nouvel infiltrat radiographique, associée à un minimum de 2
critères parmi la fièvre, la leucocytose, ou la purulence des
expectorations, augmente la probabilité de PAV (RV global, 2,8;
intervalle de confiance à 95 %, 0,97-7,9). L'absence de nouvel
infiltrat sur la radiographie thoracique simple réduit la
probabilité de PAV (RV global, 0,35; intervalle de confiance à
95%, 0,14-0,87). La présence de moins de 50 % de neutrophiles
retrouvés à la numération globulaire des
sécrétions pulmonaires infirme la probabilité de PAV
(étendue du RV, 0,05-0,10).
Conclusion L'évaluation clinique de routine associée
aux données radiographiques fournit des éléments
suggestifs mais non décisifs de la présence ou de l'absence de
PAV. Compte tenu de la gravité de cette infection et de la
fréquence des affections sévères simulant la PAV, les
cliniciens doivent être prêts à envisager des examens
complémentaires permettant de la confirmer ou d'établir un autre
diagnostic.
JAMA.
2007;297:1583-1593
Les salles de patients et les amphithéâtres
d'anatomo-pathologie montrent un contraste très frappant concernant les
statistiques de la pneumonie...
Sir William Osler,
19071
CAS CLINIQUE
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Un homme de 68 ans, avec un antécédent d'insuffisance
cardiaque congestive et de cancer bronchique non à petites cellules
éloigné, présente brutalement des difficultés
respiratoires. Sa radiographie thoracique initiale révèle des
infiltrats diffus suggérant un oedème pulmonaire. À son
arrivée à l'hôpital, il présente une
détresse respiratoire et une hypoxémie nécessitant une
intubation et une assistance ventilatoire. Le patient est
transféré en soins intensifs et placé sous
diurétiques, sédatifs et prophylaxie de l'ulcère par
cathéter veineux central. Un traitement anticoagulant est initié
après confirmation d'une embolie pulmonaire. Au cours des 4 jours
suivants, son état s'améliore lentement, les infiltrats
radiographiques régressent, et son niveau d'assistance ventilatoire est
progressivement réduit.
Le 5ème jour de son admission, il développe une
tachypnée, une tachycardie, une hypoxémie, et une nouvelle
poussée de fièvre. Son infirmière note le retour d'une
petite quantité de fines sécrétions beiges de sa sonde
endotrachéale. La percussion du thorax antérieur produit une
résonance, mais des crépitations sont audibles
bilatéralement sur les champs pulmonaires déclives.
L'auscultation cardiaque est troublée par les bruits du ventilateur,
mais le rythme semble régulier et aucun souffle n'est perceptible. Le
patient présente un léger oedème sacré et
périphérique. Une radiographie thoracique portative
révèle à nouveau des opacités bilatérales
diffuses. Le taux de leucocytes est de 12
000/µL.3
Les membres de l'équipe de soins intensifs conviennent qu'une
antibiothérapie doit être initiée en attendant des examens
complémentaires. Ils se demandent cependant si l'association de la
fièvre, de l'hypoxémie, de la leucocytose, et de l'infiltrat
radiographique suffit pour établir un diagnostic de pneumonie acquise
sous ventilation
Encadré. Définition de la pneumonie acquise sous
ventilation assistée du NHSN (National Healthcare Safety Network) du
CDC (Centers for Disease Control and Prevention)
Signes radiologiques
Deux radiographies thoraciques ou plus en série, avec au moins 1 des
caractéristiques suivantes:*
Infiltrat récent ou évolutif et persistant
Consolidation
Excavation
Signes cliniques
Au moins 1 des signes suivants:
Fièvre (température > 38°C [100,4°F] sans autres
cause identifiée)
Leucopénie (< 4 000/µL) ou leucocytose ( 12 000/µL)
Chez les adultes de 70 ans ou plus, altération de l'état
mental sans autre cause identifiée
Plus au moins 2 des caractéristiques suivantes:
Apparition d'expectorations purulentes ou changement de leur aspect, ou
augmentation des sécrétions respiratoires, ou augmentation des
besoins d'aspiration
Apparition ou aggravation de la toux, ou dyspnée, ou
tachypnée
Râles ou murmures vésiculaires bronchiques
Altération des échanges gazeux (Désaturations en
oxygène [PaO2/FiO2 240), augmentation des besoins en
oxygène ou du besoin de ventilation)
Critères microbiologiques (facultatif)
Au moins 1 des critères suivants:
Croissance positive dans l'hémoculture, non associée à
une autre source d'infection
Croissance positive dans la culture du liquide pleural
Culture quantitative positive du lavage broncho-alvéolaire
( 104 unités formant colonie/mL) ou du brossage
télescopique protégé ( 103 unités formant
colonie/mL)
Cinq pour cent ou plus de cellules avec bactéries intracellulaires
à l'examen microscopique direct du liquide de lavage
broncho-alvéolaire coloré par la méthode de Gram
Signe histopathologique de pneumonie
* Chez les patients sans maladie pulmonaire ou cardiaque
sous-jacente (syndrome de détresse respiratoire, dysplasie
broncho-pulmonaire, oedème pulmonaire, ou maladie pulmonaire
obstructive chronique, par exemple), 1 radiographie thoracique
déterminante est acceptable.
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(PAV), et exclure la recherche d'une autre pathologie responsable de
décompensation du patient.
EN QUOI CETTE QUESTION CLINIQUE EST-ELLE IMPORTANTE?
La pneumonie acquise sous ventilation assistée est l'infection
nosocomiale la plus fréquente et la plus fatale contractée en
soins
intensifs.2,3
Elle affecte entre 9 % et 27 % des patients intubés et double le risque
de décès comparé à des patients similaires sans
PAV.4-8
La PAV prolonge la durée de la ventilation, le séjour en soins
intensifs, l'hospitalisation totale, ainsi que son
coût.8,9
Malgré l'incidence élevée de cette infection nosocomiale,
son diagnostic est compliqué par le fait que de nombreuses affections
fréquentes chez les patients gravement malades produisent des signes
cliniques similaires; elles comprennent le syndrome de détresse
respiratoire aiguë, la maladie thromboembolique, l'hémorragie
alvéolaire, la septicémie, l'insuffisance cardiaque congestive,
et l'atélectasie. De nombreuses séries de cas décrivent
la corrélation excessivement faible entre le diagnostic clinique de
pneumonie et la véritable PAV sous-jacente. Plus de 50 % des patients
recevant un diagnostic de PAV n'ont pas la maladie, tandis que jusqu'à
un tiers de ceux présentant une PAV ne sont pas
diagnostiqués.10,11
Fait peu surprenant, l'accord diagnostique interjuges est
régulièrement
faible.12,13
Cette difficulté diagnostique est reflétée dans la
grande diversité des références utilisées dans les
rapports cliniques. Les critères diagnostiques concurrents incluent
ceux du NHSN (National Healthcare Safety Network [précédemment
connu sous le nom de National Nosocomial Infections Surveillance System]) du
CDC (Centers for Disease Control and Prevention)
(Encadré),14
ceux du CPIS (Clinical Pulmonary Infection Score)
(Tableau
1),15
et les critères cliniques de Johanson et coll.16 Cependant, il y a peu
de consensus entre ces critères. Lorsque 4 critères
différents étaient appliqués à une seule cohorte
de patients, ils produisaient des estimations de prévalence de PAV
variant de 4 % à 48
%.17
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Tableau 1.. Score CPIS (Clinical Pulmonary Infection Score)*
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Malgré la difficulté liée à
l'établissement d'un diagnostic consensuel, la détection
précoce et exacte de la PAV est essentielle. L'initiation
différée d'une antibiothérapie adéquate augmente
la
mortalité.18-20
À l'inverse, un usage inapproprié d'antibiotiques entraîne
une majoration des coûts et un risque de réactions
indésirables au traitement, ainsi que la sélection d'une flore
microbienne résistante qui augmente la morbidité et la
mortalité.21-23
En outre, un diagnostic incorrect de PAV peut créer un sentiment
erroné de sécurité qui peut détourner le
médecin de la recherche et de la prise en charge de la véritable
cause de la dégradation clinique d'un patient.
Compte tenu de l'importance de la détection rapide et exacte des PAV
contrariée par la difficulté diagnostique, la littérature
médicale a été revue pour quantifier l'utilité des
critères cliniques dans le diagnostic ou l'exclusion de la PAV
bactérienne. Malheureusement, il n'existe pas de
référence clairement acceptée pour le diagnostic de cette
infection.24
Cette revue était limitée aux patients avec une confirmation
histologique de PAV, dans la mesure où elle constitue la mesure la plus
objective disponible. L'utilisation de cette référence biaise
nécessairement cette revue en faveur des patients les plus atteints et
peut en limiter l'extrapolation. Néanmoins, elle est plus exacte que le
diagnostic bronchoscopique basé sur la culture, qui produit des taux
différents de pneumonie en fonction de la technique utilisée et
du seuil déterminé pour la culture
quantitative.25-29
Dans la mesure où cette revue est destinée à aider les
cliniciens en réanimation au lit du malade, elle intègre des
observations cliniques associées à des résultats
biologiques et radiographiques, ainsi qu'à ceux de la coloration de
Gram et de la mise en culture, qui sont généralement accessibles
aux cliniciens de soins intensifs évaluant un nouveau syndrome
pulmonaire. Les nouvelles techniques diagnostiques, comme l'activation du
récepteur exprimé sur les cellules myéloïdes et le
dosage de procalcitonine, n'ont pas été incluses, dans la mesure
où elles ne sont pas encore couramment disponibles et n'ont pas
été validées par rapport à une
référence
histologique.30,31
Histologiquement, la PAV se caractérise par des lésions
multifocales prédominant dans les segments pulmonaires déclives,
souvent à différents stades de développement et de
sévérité, avec des cultures développant une flore
microbienne
hétérogène.29-32
À partir de ce profil, les pathologistes ont déduit que le
suintement répété de liquides buccaux autour du ballonnet
de la sonde endotrachéale provoquait de multiples micro-aspirations,
une bronchiolite, puis une
PAV.33
Toutes les micro-aspirations n'évoluent pas vers une infection
cliniquement manifeste -des foyers localisés de bronchiolite peuvent
être trouvés à l'autopsie chez des patients
ventilés précédemment stables, qui sont
décédés de maladie non pulmonaire.
La physiopathologie contribue à expliquer les signes cliniques de la
PAV. Les patients ventilés mécaniquement qui développent
une pneumonie présentent progressivement de la fièvre, une
tachypnée et une hypoxémie. Souvent, le premier signe de PAV est
le recours à de petites augmentations progressives et successives de la
fraction d'oxygène inspirée pour maintenir une
oxygénation adéquate chez le patient. Ces augmentations des
besoins en oxygène pourraient refléter une augmentation de la
quantité et de la purulence des sécrétions
endotrachéales. Les radiographies thoraciques montrent initialement des
opacités diffuses en foyer qui se condensent dans les quelques jours
suivants.
L'aspect multifocal et hétérogène de la PAV explique
également certaines des difficultés à établir le
diagnostic, même en cas de positivité de la biopsie pulmonaire ou
des résultats de culture. Les prélèvements de biopsie
peuvent ignorer la zone de maladie active. Par ailleurs, lorsque la maladie
est trouvée, elle peut représenter une zone de début de
bronchiolite cliniquement silencieuse ou de bronchopneumonie
résolutive. De même, les cultures peuvent ignorer la zone de
maladie active (produisant des résultats faux négatifs) ou
détecter des zones cliniquement bénignes de colonisation
bactérienne (produisant des résultats faux positifs). En outre,
les nombreux antibiotiques administrés aux patients gravement malades
peuvent minorer l'apport diagnostique des cultures bactériennes.
L'autopsie des patients ventilés avec une pneumonie suspectée
révèle fréquemment un nombre substantiel de maladies
pulmonaires alternatives ou comorbides qui produisent également de la
fièvre, une altération des échanges gazeux, une
augmentation des sécrétions, et des opacités
radiographiques. Elles incluent la maladie thromboembolique,
l'hémorragie, la lésion alvéolaire diffuse, la fibrose,
l'atélectasie, le carcinome, et le lymphome, entre
autres.10,34
La forte prévalence des affections pulmonaires comorbides chez les
patients ventilés complique davantage l'établissements du
diagnostic clinique de PAV.
MÉTHODES
Stratégie de recherche et sélection des études
Une recherche structurée dans la littérature, de 1966 au 31
octobre 2006, a été effectuée en utilisant MEDLINE par
l'interface PubMed et le moteur de recherche Google Scholar. Une
stratégie de recherche initiale globale a été
élaborée par recoupement des mots-clés MeSH pneumonie
acquise sous ventilation mécanique, diagnostic et (histologie ou
pathologie ou histopathologie ou biopsie ou autopsie). Une deuxième
recherche, plus restrictive, a utilisé la stratégie
((ventilateur ou ventilation) ET pneumonie) ET ((examen physique/OU
examens physiques) OU (interrogatoire) OU (compétence professionnelle)
OU (((sensibilité et spécificité) ET [tw]) (<< mot du
texte >>) OU (<< sensibilité et spécificité >>)) OU
((reproductibilité des résultats) OU
(variabilité interjuges) OU (tests diagnostiques, routine) OU
(techniques d'aide à la décision) OU (théorème de
Bayes))). Les résumés de tous les articles de langue
anglaise identifiés ont été analysés pour leur
pertinence. Les textes intégraux de tous les articles potentiellement
pertinents ont été récupérés. Des
études supplémentairesont été identifiées
dans les listes de références des articles
récupérés et des articles de revue localisés par
la stratégie de recherche.
Les études incluant des données sur les signes et
symptômes cliniques, ainsi que les résultats des analyses
biologiques de routine, des radiographies thoraciques, des colorations de Gram
et des cultures des sécrétions pulmonaires ont été
recherchées. Les études incluses évaluaient les
prélèvements à l'aveugle par aspiration bronchique et le
liquide du lavage bronchoalvéolaire (LBA). Les aspirations bronchiques
à l'aveugle sont généralement effectuées par les
infirmières, les kinésithérapeutes respiratoires, ou les
médecins généralistes, par aspiration profonde
au-delà de l'extrémité de la sonde endotrachéale.
Le liquide du lavage broncho-alvéolaire est obtenu de la même
façon, mais l'aspiration est réalisée après
instillation de sérum physiologique dans les poumons. Cette
procédure peut être effectuée à l'aveugle par des
kinésithérapeutes respiratoires expérimentés ou
par des généralistes (mini-LBA), ou encore sous guidage
bronchoscopique par des pneumologues ou des chirurgiens thoraciques. Le lavage
broncho-alvéolaire est fréquemment utilisé pour
compléter l'évaluation lorsque les résultats cliniques
sont équivoques. Bien que les résultats de la mise en culture ne
soient pas disponibles avant 24 à 72 heures après l'incubation,
ils sont inclus dans cette revue, dans la mesure où ils constituent les
résultats biologiques les plus souvent recherchés en premier
lieu par les cliniciens, lorsqu'ils envisagent un diagnostic de PAV. Les
cultures sont utiles malgré leur disponibilité tardive; en
effet, le diagnostic de PAV est souvent un processus dynamique dans lequel le
tableau clinique est périodiquement réévalué sur 1
à 2 jours avant l'établissement du diagnostic.
Les études incluses évaluaient un minimum de 25 patients
immunocompétents qui avaient été placés sous
ventilation mécanique pendant au moins 24 heures, et chez lesquels un
examen histologique du tissu pulmonaire pour la PAV avait ensuite
été effectué sur biopsie ou à l'autopsie. Les
études étaient exclues si elles ne décrivaient pas les
critères cliniques des patients ou si plus de 20 % des patients avaient
une pneumonie à leur admission en soins intensifs. Les données
étaient systématiquement extraites des études candidates,
et leur qualité était évaluée à l'aide de
critères modifiés élaborés pour la série
d'articles sur l'examen clinique rationnel (The Rational Clinical Examination
series).35
Les études indépendantes (qualité de niveau 1-3)
incluaient des patients pour une évaluation histologique,
indépendamment de la présence d'une suspicion clinique de
pneumonie. Parmi les études indépendantes, les études de
niveau 1 et 2 incluaient des patients consécutifs, tandis que celles de
niveau 3 incluaient des patients non consécutifs. Les études non
indépendantes (niveau 4) n'incluaient que des patients avec une
suspicion clinique de pneumonie. Les études indépendantes
indiquent aux cliniciens les critères suggérant d'envisager un
diagnostic de PAV, tandis que les études non indépendantes
renseignent les cliniciens suspectant déjà une pneumonie sur la
capacité des différents signes cliniques (résultats de
tests) à modifier la probabilité pré-test de maladie. La
difficulté avec les études non indépendantes
résidait dans le fait que le symptôme ou le signe clinique
évalué pouvait également avoir été
utilisé pour établir la suspicion pré-test initiale de
pneumonie, compliquant ainsi toute évaluation de sa puissance à
modifier la probabilité post-test. Les études intégrant
cette circularité dans leur schéma tendaient à surestimer
la sensibilité des principaux critères, dans la mesure où
les patients présentant ces critères tendaient à
être surreprésentés dans la population
étudiée par rapport à la population globale des patients
ventilés mécaniquement. La spécificité
était surestimée ou sous-estimée, en fonction de
l'exactitude de la suspicion clinique de maladie utilisée pour
sélectionner les patients à l'inclusion.
Certaines études sur la PAV rapportaient des résultats
relatifs à une méthode de référence combinant
l'histologie et la culture positive des prélèvements
pulmonaires. Lorsque les résultats relatifs à l'histologie seule
étaient également présentés, cette technique
était privilégiée en méthode de
référence, l'administration d'antibiotiques pouvant affecter les
résultats de la mise en
culture.36,37
Méthodes statistiques
Les données des études identifiées ont
été utilisées pour calculer la sensibilité, la
spécificité et les rapports de vraisemblance (RV) positifs et
négatifs. Les rapports de vraisemblance utilisent les données de
sensibilité et de spécificité d'un test pour
définir comment la probabilité pré-test d'un diagnostic
doit être modifiée pour générer une
probabilité post-test. Lorsque plusieurs études
indépendantes présentaient des données sur une seule
observation, les RV globaux avec des mesures globales à effets
aléatoires étaient calculés à l'aide du logiciel
FAST-PRO, version 8.1 (Academic Press, San Diego,
Californie).38
Les mesures globales sont conservatrices en ce qu'elles présentent de
larges intervalles de confiance (IC) de part et d'autre des estimations. Pour
de nombreux critères utilisés dans la PAV, les mesures globales
illustrent mieux le manque de données et l'absence apparente de valeur
diagnostique que les mesures individuelles seules.
RÉSULTATS
Extraction et analyse des études
Les stratégies de recherche ont identifié 585 études
candidates dans MEDLINE; l'analyse des listes de références et
la recherche sur Google Scholar ont produit 937 articles. Quatorze de ces
études répondaient aux critères d'inclusion
(Tableau
2).10,29,32,39-49
La plupart des articles rejetés étaient exclus parce qu'ils
manquaient de données sur les caractéristiques cliniques. Aucune
étude portant sur des biopsies pulmonaires pratiquées chez des
patients vivants ne répondait aux critères d'inclusion. En
conséquence, cet ensemble d'études ne comprend que des patients
ayant subi une autopsie complète ou une biopsie pulmonaire
limitée immédiatement post-mortem. Les délais relatifs
d'évaluation clinique et de prélèvement pulmonaire
étaient explicitement décrits dans 9 des 14 articles. Dans
chaque cas, les critères cliniques étaient extraits et la
suspicion clinique de pneumonie évaluée pas plus de 48 heures
avant l'évaluation histologique. Les autres études utilisaient
les dernières valeurs cliniques mesurées avant le
décès, mais n'établissaient pas clairement l'intervalle
entre l'évaluation et le décès.
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Tableau 2.. Études sur l'exactitude des observations cliniques chez des patients
ventilés avec pneumonie confirmée histologiquement
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Toutes les études incluses étaient de qualité de
niveau 3 ou 4, aucune ne recrutant de patients ventilés
consécutifs. Sept des 14 études avaient été
menées en France, où les chercheurs pouvaient
précédemment bénéficier d'une loi autorisant les
médecins à prélever les organes des patients
décédés pour la recherche scientifique, sauf en cas
d'interdiction expresse formulée par le patient avant son
décès. Les 14 études acceptées incluaient un total
de 655 patients.
Prévalence et incidence
La prévalence de pneumonie histologique chez les patients non
sélectionnés, décédés sous ventilation
mécanique, variait de 23 % à 92 % (prévalence globale, 47
%; IC 95 %, 35 %-59 %) (Tableau
2). En revanche, une méta-analyse publiée
récemment, portant sur 38 études de cohortes prospectives et
évaluant la PAVM en utilisant des critères cliniques autres que
l'histologie postmortem, rapportait une incidence cumulée
groupée de PAV de 9,7 % (IC 95 %, 7,0 %-12 %); l'incidence était
de 17 % (IC 95 %, 5,9 %-28 %) lorsqu'elle était limitée aux
seuls services médicaux, comparé à 9,1 % (IC 95 %, 5,9
%-12 %) pour les services médicaux et chirurgicaux
combinés.8
Précision des résultats cliniques
Les données sur la variation interjuges dans l'évaluation des
signes cliniques associés à la PAV sont restreintes. Une seule
étude comparait 2 estimations du CPIS (règle de prévision
clinique attribuant des points sur une échelle ordinale pour les
anomalies de température, du taux de leucocytes, de
l'oxygénation, de la radiographie thoracique, des
sécrétions trachéales, et des cultures semi-quantitatives
d'aspiration trachéale [Tableau
1]15),
effectuées par des médecins de soins intensifs dans une
série de 52
patients.12
L'accord était passable à modéré pour la plupart
des facteurs, incluant apparemment des variables quantitatives objectives
telles que la température (K = 0,3) et l'oxygénation (K = 0,4).
L'accord interjuges était faible (K = 0,2) sur des critères plus
subjectifs comme la quantité de sécrétions
trachéales. Globalement, les estimations du score CPIS établies
par les médecins de soins intensifs manquaient de précision (K =
0,2). Les investigateurs de l'étude attribuaient certaines des
variations de l'accord à des données manquantes dans les
évaluations prospectives des patients et à la
subjectivité dans les définitions originales du CPIS. Lorsque
les données manquantes étaient exclues de l'analyse, l'accord
sur la valeur suggestive de PAV du score CPIS accédait à un
niveau modéré (K = 0,5).
Précision des critères cliniques et des données biologiques
Critères cliniques. Les critères cliniques
généralement associés à la PAV, tels que la
fièvre, les taux de leucocytes anormalement élevés ou
faibles, et l'évaluation subjective de la purulence des expectorations,
manquent d'utilité diagnostique
(Tableau 3). Chez les patients
sélectionnés indépendamment de leurs
caractéristiques cliniques, les RV positifs globaux pour la
présence de fièvre, l'anomalie du taux de leucocytes, et les
sécrétions macroscopiques purulentes étaient
respectivement de 1,2 (IC 95 %, 0,76-1,9), 1,3 (IC 95 %, 0,76-2,4) et 1,3 (IC
95 %, 0,88-1,8). Cette conclusion était également
observée dans les études non indépendantes, dans
lesquelles les cliniciens suspectaient une PAV - les 3 critères avaient
toujours des RV avec des IC incluant 1. L'hypoxie et la crépitation
pulmonaire avaient la même valeur non diagnostique chez les patients
avec une suspicion de PAV, bien qu'ils n'aient été
évalués que dans une seule étude (RV, 1,2; IC 95 %,
0,75-2,0 et RV, 1,1; IC 95 %, 0,63-1,8 respectivement).
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Tableau 3.. Sensibilité et spécificité des variables cliniques
pour le diagnostic de pneumonie acquise sous ventilation mécanique
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Taux de leucocytes dans les sécrétions pulmonaires.
L'évaluation des sécrétions pulmonaires pour les
neutrophiles et les micro-organismes par coloration de Gram peut apporter des
informations utiles (Tableau
4), surtout si les sécrétions sont obtenues par
bronchoscopie. La présence de plus de 50 % de neutrophiles dans le
liquide du LBA augmente marginalement la probabilité de PAV (RV, 2,0;
IC 95 %, 1,4-3,0); cependant, l'absence de ce résultat rend la PAV
très improbable. Dans la seule étude qui évaluait le
pourcentage de neutrophiles chez des patients non sélectionnés,
aucun patient ayant moins de 50 % de neutrophiles dans le liquide du LBA
n'avait de PAV (RV, 0,09; IC 95 %,
0,01-1,4).43
Cette observation était corroborée par 2 études de
patients avec suspicion de PAV: les deux études ont trouvé que
les RV pour la présence de moins de 50 % de neutrophiles étaient
faibles (0,05; IC 95 %, 0,01-0,36 et 0,10; IC 95 %, 0-2,5).47,49 De
même, une cellularité élevée du liquide du LBA
(> 400 000/mL) était fortement suggestive de PAV chez les patients
avec suspicion de PAV (RV positif, 15; IC 95 %, 2,3-103); tandis que l'absence
de cette caractéristique avait la même puissance pour
réduire la probabilité de PAV dans une seule étude (RV
négatif, 0,11; IC 95 %,
0,03-0,40).49
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Tableau 4.. Sensibilité et spécificité de l'analyse des
sécrétions pulmonaires pour le diagnostic de pneumonie acquise
sous ventilation mécanique*
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Coloration de Gram des sécrétions pulmonaires.
Plusieurs études ont montré que la présence de
bactéries sur coloration de Gram des sécrétions
pulmonaires suggère une PAV (Tableau
4). Les RV positifs de ce critère augmentent
parallèlement à des modalités de
prélèvement graduellement plus invasives: les microorganismes
sur les colorations de Gram des aspirations bronchiques à l'aveugle ont
un RV de 2,1 (IC 95 %, 0,81-5,5), qui passe à 5,3 (IC 95 %, 1,3-22)
avec le mini-LBA, et atteint 18 (IC 95 %, 1,1-302) lorsque les organismes sont
observés sur le liquide LBA prélevé sous guidage
fibroscopique. L'absence de bactéries sur la coloration de Gram du
liquide obtenu par l'une de ces techniques est moins décisive, mais
réduit de moitié environ la probabilité de diagnostic
positif, dans les séries de patients sélectionnés comme
chez les patients non sélectionnés (étendue du RV
négatif, 0,16-0,60).
L'examen des neutrophiles dans le prélèvement LBA pour les
organismes intracellulaires est équivoque: le résultat n'apporte
aucune information supplémentaire chez les patients non
sélectionnés (les RV positifs et négatifs globaux sont
tous deux de 1,0). Une seule petite étude de patients avec suspicion de
pneumonie a trouvé l'identification d'organismes intracellulaires
utile, mais modérée par de larges IC (RV positif, 6,8; IC 95 %,
0,43-106); l'absence d'organismes intracellulaires ajoutait peu d'informations
(RV négatif, 0,66; IC 95 %,
0,46-0,96).47
Culture de l'aspiration bronchique. Les cultures des
prélèvements par aspiration bronchique à l'aveugle qui
produisaient une importante croissance bactérienne (> 105 UFC/mL)
étaient fortement suggestives de PAV dans les 2 études qui
examinaient ce critère (RV global, 9,6; IC 95 %, 2,4-38)
(Tableau
4).42,45
De même, l'absence de culture positive au-dessus de ce seuil
élevé réduisait la probabilité de présence
de PAV (RV résumé, 0,42; IC95 %, 0,27-0,67).
Culture du liquide du LBA. Les cultures quantitatives des
prélèvements LBA guidés par fibroscopie étaient
moins décisives et avaient des RV avec des IC incluant 1. Le RV global
pour une culture du LBA de plus de
104 UFC/mL
n'était que de 1,4 (IC 95 %, 0,76-2,5), tandis que les cultures
négatives avaient un RV global de 0,78 (IC 95 %, 0,51-1,2).
Exactitude des signes radiographiques. La présence ou l'absence d'un
nouvel infiltrat sur la radiographie thoracique était le seul
critère, en dehors de la culture des aspirations bronchiques à
l'aveugle, qui était évalué dans plusieurs études
indépendantes et qui a présenté des RV positifs et
négatifs avec un IC global excluant 1. La présence d'un nouvel
infiltrat augmente marginalement la probabilité de PAV (RV
résumé, 1,7; IC 95 %, 1,1-2,5), tandis que son absence
réduit cette probabilité (RV résumé, 0,35; IC 95
%, 0,14-0,87).
Une étude évaluait l'exactitude de signes radiographiques
particuliers, dans une revue rétrospective de patients avec PAV
identifiés à
l'autopsie.40
La sensibilité et la spécificité des différents
signes radiographiques sont présentées dans le
Tableau 5. Les seuls signes qui
se révèlent utiles sont les bronchogrammes aériens. Un
seul bronchogramme aérien a un RV positif de 3,8 (IC 95 %, 0,74-19),
mais sa faible sensibilité (17 %) suggère que ce signe est
rarement trouvé. Des bronchogrammes aériens multiples sont
présents plus fréquemment (sensibilité, 83 %), mais se
révèlent moins utiles (RV, 2,0; IC 95 %, 1,3-2,9). L'absence de
multiples bronchogrammes aériens réduit la probabilité de
PAV (RV négatif, 0,29; IC 95 %, 0,11-0,73).
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Tableau 5.. Sensibilité et spécificité des caractéristiques
radiographiques*
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Exactitude des critères combinés
La combinaison de plusieurs variables cliniques peut améliorer
l'exactitude d'un diagnostic clinique de PAV
(Tableau 6). Quatre
résultats cliniques ont été étudiés en
combinaison: infiltrats radiographiques, fièvre, leucocytose
périphérique, et expectorations purulentes à l'examen
macroscopique.45
Dans une cohorte de patients non sélectionnés chez lesquels une
biopsie pulmonaire avait été effectuée
immédiatement après leur décès, des
critères étaient progressivement combinés. La PAV
n'était probable que lorsqu'un infiltrat était associé
à 2 à 3 critères cliniques complémentaires (RV,
2,8; IC 95 %, 0,97-7,9). Les patients présentant un infiltrat et 0 ou 1
critère complémentaire étaient moins susceptibles d'avoir
une PAV (RV, 0,46; IC 95 %, 0,10-2,1 pour l'absence de critère
complémentaire; RV, 0,37; IC 95 %, 0,09-1,6 pour 1 critère
complémentaire). Il convient cependant de noter que même
l'absence de la totalité des 3 critères incluant la
fièvre, la leucocytose et les sécrétions purulentes,
n'excluait pas définitivement la PAV. En effet, 15 % des patients
présentant un infiltrat en l'absence de ces signes cliniques avaient
une PAV confirmée
histologiquement.45
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Tableau 6.. Sensibilité et spécificité des critères
combinés dans le diagnostic de pneumonie acquise sous ventilation
mécanique
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Trois études différentes évaluaient la valeur
prédictive du score CPIS (critères CPIS décrits dans le
Tableau 1; évaluation de
la performance du CPIS présentée dans le
Tableau
7).42,45,48
Un score CPIS supérieur à 6 évoquait une
probabilité de PAV chez les patients non sélectionnés (RV
global, 2,1; IC 95 %, 0,92-4,8), tandis qu'un score CPIS de 6 ou moins
réduisait cette probabilité (RV négatif global, 0,38; IC
95 %, 0,20-0,74). Chez les patients avec une suspicion de PAV, une seule
étude suggérait qu'un score CPIS de 6 ou moins réduisait
la probabilité de pneumonie (RV, 0,08; IC 95 %,
0,01-0,56).48
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Tableau 7.. Sensibilité et spécificité du score CPIS dans le
diagnostic de pneumonie acquise sous ventilation
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Sources de résultats faux positifs
La plupart des critères cliniques classiquement recherchés
pour diagnostiquer la PAV ont une utilité diagnostique limitée,
du fait que d'autres complications fréquentes de maladie grave
génèrent des syndromes pulmonaires similaires. Ces sources de
résultats faux positifs ont été
caractérisées. Meduri et coll50 ont pu établir un
diagnostic chez 45 sur 50 patients consécutifs de soins intensifs
évalués prospectivement, présentant de la fièvre
et des opacités pulmonaires. Seuls 42 % ont reçu une
confirmation de PAV. Les autres patients étaient finalement
diagnostiqués avec un syndrome de détresse respiratoire
aiguë, une septicémie généralisée, une
atélectasie, une hémorragie alvéolaire, un infarctus
pulmonaire, et/ou une insuffisance cardiaque congestive. La plupart des
patients présentaient plus d'un diagnostic. De même, dans une
série de 30 patients d'USI avec insuffisance respiratoire et infiltrats
diffus, soumis à une autopsie après leur décès,
seuls 60 % ont révélé une pneumonie.34 Les autres
diagnostics présentaient un chevauchement significatif: lésion
alvéolaire diffuse (77 %), hémorragie alvéolaire (23 %),
carcinome (10 %), emphysème (13 %), lymphome intravasculaire (7 %),
fibrose pulmonaire (7 %), tuberculose (7 %), et lymphangioléiomyomatose
(3 %).
RÉSOLUTION DU CAS
Les causes possibles de fièvre, d'infiltrats et de tachypnée
du patient présenté incluent le syndrome de détresse
respiratoire aiguë, une maladie thromboembolique récurrente ou un
infarctus pulmonaire, une hémorragie pulmonaire consécutive
à un traitement anticoagulant, une insuffisance cardiaque congestive
due à une surcharge cardiaque et une administration de liquide
excessive, une pneumopathie par hypersensibilité secondaire à un
traitement, une atélectasie due à une ventilation imparfaite,
des métastases dues à une affection maligne extrapulmonaire, et
une pneumonie secondaire à la ventilation mécanique. Ce
même tableau clinique pourrait également résulter
d'affections combinées, telles qu'une septicémie liée
à un cathéter central concomitante à une
atélectasie ou à des opacités pulmonaires persistantes du
cancer du poumon à petites cellules du patient. Ce vaste diagnostic
différentiel est malheureusement typique d'un patient gravement malade
effectuant un séjour prolongé en USI; il est en effet probable
que le patient présente plus d'une de ces maladies. La
probabilité pré-test de PAV est d'environ 10 % chez les patients
ventilés.8
La fièvre, la leucocytose et l'infiltrat radiographique du patient
sont tous des critères non spécifiques qui, lorsqu'ils sont pris
individuellement, ne changent pas substantiellement la probabilité de
PAV. La présence de ces critères combinés rend cependant
la pneumonie plus probable, tout en restant insuffisante pour poser
définitivement le diagnostic. La culture quantitative de l'aspiration
bronchique à l'aveugle peut également aider à
diagnostiquer la PAV lorsqu'elle est positive, mais sa réalisation dure
2 jours et nécessite des équipements de laboratoire
spécialisés pour la quantification des colonies
bactériennes. Pour renforcer la certitude diagnostique, les cliniciens
peuvent envisager d'effectuer une bronchoscopie pour recueillir du liquide LBA
permettant d'obtenir une coloration de Gram, une numération globulaire,
et une formule leucocytaire. Si l'analyse de la numération globulaire
du liquide LBA révèle moins de 50 % de neutrophiles, la PAV est
improbable et l'étude d'autres diagnostics doit être poursuivie.
En revanche, si le résultat de la coloration de Gram du liquide LBA est
positif pour les micro-organismes, la PAV est alors probablement
présente.
CONCLUSION
Les patients gravement malades sont sujets à une multitude
d'agressions pathologiques qui génèrent des signes
d'inflammation systémiques et pulmonaires chevauchants. En
conséquence, la présence isolée de la plupart des
critères cliniques traditionnellement recherchés pour
diagnostiquer la PAV, comme la fièvre, la leucocytose, les
sécrétions pulmonaires purulentes, et les infiltrats
radiographiques, ne permet pas de poser le diagnostic. La considération
des critères cliniques combinés peut cependant contribuer
à orienter les examens complémentaires en cas de suspicion de
PAV.
L'évaluation d'une radiographie thoracique est un bon point de
départ. L'apparition d'un nouvel infiltrat suggère qu'une PAV
est possible (RV global, 1,7; IC 95 %, 1,1-2,5) et doit motiver un second
examen de la température du patient, de la purulence des
expectorations, et du taux de leucocytes. Lorsque 2 de ces signes ou plus sont
positifs, la PAVM devient alors plus probable (RV global, 2,8; IC 95 %,
0,97-7,9). En prenant une incidence de 9,7 % en probabilité
pré-test de PAV chez les patients
ventilés,8
la combinaison d'observations ci-dessus élèvera la
probabilité de PAV à 23 % (IC 95 %, 9,4 %-46 % en tenant compte
des limites de l'intervalle de confiance du RV). Les cliniciens
spécialistes tendent à considérer également
l'altération des échanges gazeux comme un critère
nécessaire, bien que non spécifique et insuffisant, pour
diagnostiquer la
PAV.24 Ce
critère intuitif n'était pas formellement évalué
dans les études indépendantes incluses dans cette revue.
En revanche, l'absence de nouvel infiltrat réduit substantiellement
la probabilité de PAV (RV global, 0,35; IC 95 %, 0,14-0,87). L'absence
de fièvre, d'expectorations purulentes ou de taux élevé
de leucocytes n'apporte pas d'information complémentaire à celle
obtenue par une radiographie sans infiltrat. Si la probabilité
pré-test de PAV est de 9,7 %,8 l'évaluation clinique de routine
incluant une radiographie thoracique stable sans nouvel infiltrat peut
réduire la probabilité de PAV à 3,6 % (IC 95 %, 1,5 %-8,5
%).
L'analyse des sécrétions pulmonaires peut permettre de mieux
définir la probabilité de présence ou d'absence de PAV.
Le liquide du LBA présentant moins de 50 % de neutrophiles exclut la
présence de PAV, avec un RV variant de 0,05 à 0,10. En revanche,
la présence de micro-organismes sur une coloration de Gram des
sécrétions pulmonaires augmente substantiellement la
probabilité de PAV. La suggestivité d'un résultat positif
de coloration de Gram augmente presque exponentiellement parallèlement
aux techniques diagnostiques progressivement plus invasives -le RV positif
pour un résultat positif de coloration de Gram d'une aspiration
bronchique à l'aveugle n'est que de 2,1 (IC 95 %, 0,81-5,5), mais
augmente à 5,3 (IC 95 %, 1,3-22) avec un mini-LBA et atteint 18 (IC 95
%, 1,1-302) avec le liquide LBA recueilli par bronchoscopie fibroscopique. Les
cultures bactériennes quantitatives des sécrétions
pulmonaires peuvent également contribuer au diagnostic de PAV. Le
développement de plus de
105 UFC/mL de
bactéries dans une aspiration bronchique à l'aveugle est
hautement suggestive de PAV (RV global, 9,6; IC 95 %, 2,4-38). En revanche, un
seuil de seulement 104 UFC/mL dans le liquide LBA n'est pas décisif. Il
peut refléter une plus grande capacité des microorganismes
contaminants à atteindre ce seuil inférieur. Les cultures
quantitatives négatives d'aspirations bronchiques et de liquide LBA ne
réduisent que modérément la probabilité de
PAV.
L'observation selon laquelle l'analyse des aspirations bronchiques à
l'aveugle et du LBA peut apporter des informations utiles sans qu'aucune soit
décisive s'accorde avec une récente étude clinique
randomisée montrant l'absence de différence dans la
mortalité à 28 jours avec ces 2 techniques diagnostiques, quelle
que soit celle utilisée
initialement.51
Les patients étaient inclus dans cette étude s'ils
présentaient les caractéristiques cliniques classiques de PAV
analysées dans cette revue. Tous les patients recevaient un
antibiotique à large spectre immédiatement après les
prélèvements diagnostiques. Cependant, environ 40 % des patients
dans les deux groupes n'étaient pas guéris à la fin de
l'étude, soulevant la possibilité que leur syndrome clinique
n'était pas causé par une véritable PAV histologique,
mais par une quelconque autre étiologie. Une fois encore, cela indique
l'imparfaite précision des signes cliniques pour le diagnostic de PAV.
L'étude révèle que le prélèvement par
aspiration bronchique à l'aveugle pourrait constituer une
procédure initiale judicieuse pour la majorité des patients;
cependant, les patients ne présentant pas d'amélioration sous
antibiothérapie guidée par cette stratégie justifient un
examen diagnostique complémentaire. Cela pourrait inclure une
bronchoscopie pour mieux évaluer la présence de PAV, ainsi que
d'autres examens spécifiques étudiant les causes non
infectieuses de maladie pulmonaire.
Les résultats de cette revue corroborent les directives
consensuelles publiées par l'IDSA (Infectious Diseases Society of
America) et l'ATS (American Thoracic
Society).24
Leurs recommandations reconnaissent l'absence d'une référence
décisive dans le diagnostic de PAV et la difficulté pratique
à établir ce diagnostic clinique. Ces deux
sociétés recommandent l'utilisation d'une combinaison de signes
cliniques et de données microbiologiques quantitatives pour
diagnostiquer et prendre en charge la PAV, tout en soulignant l'importance
d'une réévaluation constante du diagnostic dans le temps. Les
cliniciens doivent suspecter la PAV lorsque la radiographie thoracique
révèle la présence d'un infiltrat récent ou
évolutif et que le patient présente au moins 2 des
critères incluant la fièvre, le taux de leucocytes anormal, ou
les sécrétions purulentes. Dès que la PAV est
suspectée, il est recommandé aux cliniciens d'obtenir
immédiatement un prélèvement des voies aériennes
inférieures pour microscopie et culture (quantitative ou
semi-quantitative). En raison de l'incertitude diagnostique lors de l'examen
initial du patient, des antibiotiques sont généralement
initiés à moins que la probabilité pré-test de PAV
soit très faible. Après 48 à 72 heures
d'antibiothérapie, la réponse clinique doit être
évaluée par réexamen de la température du patient,
du taux de leucocytes, de l'oxygénation et des résultats de
radiographie thoracique, microscopie des sécrétions pulmonaires,
et culture des sécrétions. L'absence d'amélioration doit
motiver la recherche d'un diagnostic alternatif ou d'une raison à
l'échec thérapeutique.
Les résultats de cette revue sont modérés par des
limites relatives aux données sources. De nombreuses conclusions
étaient basées sur un nombre limité de petites
études qui différaient dans leur méthode et dans leurs
critères. En outre, même une méthode de
référence histologique n'est pas sans controverses. Tout
d'abord, les séries limitées à des patients subissant
finalement une autopsie sont fondamentalement biaisées en faveur des
patients les plus gravement malades. De plus, les biopsies pulmonaires peuvent
ignorer les lésions disséminées isolées qui sont
caractéristiques de la PAV. Par ailleurs, l'accord interjuges
rapporté entre les pathologistes n'était que
modérément bon (K =
0,45).10
Enfin, l'interprétation de la pathologie pulmonaire est
compliquée par le délai entre le développement clinique
initial de la pneumonie et l'autopsie finale, pendant lequel un
rétablissement temporaire et une exposition aux antibiotiques peuvent
compliquer le tableau histologique.
Les meilleures données disponibles suggèrent que l'examen
clinique peut être utilisé pour alerter les médecins d'une
PAV potentielle, mais que l'examen seul est insuffisant pour établir un
diagnostic définitif. L'examen des sécrétions pulmonaires
peut contribuer à préciser les suspicions cliniques des
médecins. La présence de bactéries sur la coloration de
Gram ou la croissance bactérienne au-dessus d'un certain seuil
quantitatif privilégient le diagnostic positif, tandis que la
présence de moins de 50 % de neutrophiles dans un
prélèvement pulmonaire réduit la probabilité de
PAV. L'absence de nouvel infiltrat sur la radiographie thoracique rend
également la maladie improbable. Les cliniciens soignant des patients
ventilés avec un syndrome clinique s'accordant avec la PAV doivent
être disposés à envisager d'autres diagnostics et de
nouvelles explorations, particulièrement lorsqu'un essai empirique
d'antibiotiques n'induit pas d'amélioration dans les 48 à 72
heures.
Informations sur les auteurs
Corespondance: Michael Klompas, MD, Brigham and Women's Hospital,
Division of Infectious Diseases, 15 Francis St, PBB-4, Boston,MA02115
(mklompas{at}partners.org).
Voir aussi la page du Patient.
FMC disponible en ligne à
www.jama.com
Les rédacteurs en chef de la section l'Examen Clinique
Rationnel: David L. Simel, MD, MHS, Durham Veterans Affairs Medical Center
and Duke University Medical Center, Durham, NC; Drummond Rennie, MD, Deputy
Editor, JAMA.
Contribution de l'auteur: Le Dr Klompas a eu un accès
complet à toutes les données de l'étude et accepte la
responsabilité de l'intégrité et de la précision
de l'analyse des données.
Conception et schéma de l'étude; recueil des
données; analyse et interprétation des données;
rédaction du manuscrit; revue critique du manuscrit; analyse
statistique: Klompas.
Lien financier: Aucun rapporté.
Remerciements: Je remercie Richard Platt, MD, MSc (Harvard
Medical School), Karen Welty-Wolfe, MD (Duke University), et L. Brett
Caram,MD(Duke University), pour ses conseils avisés sur une version
antérieure de cet article. Aucune de ces personnes n'a ©2007
American Medical Association. Tous Droits réservés.reçu
de compensation financière pour sa contribution.
Affiliations de l'auteur: Channing Laboratory, Department of
Medicine, Brigham and Women's Hospital, Harvard Medical School, Boston, Mass;
and Department of Ambulatory Care and Prevention, Harvard Medical School and
Harvard Pilgrim Health Care, Boston.
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