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  Vol. 297 No. 22, 13 juin 2007 TABLE OF CONTENTS
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Taux d'hématocrite préopératoires et résultats postopératoires chez les patients âgés en chirurgie non cardiaque

Wen-Chih Wu, MD; Tracy L. Schifftner, MS; William G. Henderson, PhD; Charles B. Eaton, MD; Roy M. Poses, MD; Georgette Uttley, RN; Satish C. Sharma, MD; Michael Vezeridis, MD; Shukri F. Khuri, MD; Peter D. Friedmann, MD


RÉSUMÉ

Contexte Les patients âgés sont doublement exposés à des risques élevés d'anomalies du taux d'hématocrite et de complications cardio-vasculaires en chirurgie non cardiaque. Malgré l'évaluation préopératoire quasi-systématique du niveau d'hématocrite des patients, les effets préjudiciables d'une anémie ou d'une polyglobulie préopératoire ne sont pas clairement démontrés.

Objectif Evaluer la prévalence de l'anémie et de la polyglobulie préopératoires et leurs effets sur le résultat postopératoire à 30 jours chez des anciens combattants âgés, en chirurgie non cardiaque.

Schéma Etude rétrospective de cohorte utilisant la base de données du VA National Surgical Quality Improvement Program. Nous avons stratifié les patients en trois catégories en fonction du taux d'hématocrite préopératoire : anémie (hématocrite < 39.0%), hématocrite normal (39.0%-53.9%), et polyglobulie (hématocrite ≥ 54%), puis évalué l'augmentation des risques d'évènements cardiaques et de la mortalité postopératoires à 30 jours pour chaque point d'écart par rapport à la catégorie normale.

Environnement et patients 310 310 vétérans de l'armée, âgés de 65 ans ou plus, ayant fait l'objet d'une chirurgie non cardiaque majeure entre 1997 et 2004 dans 132 centres de soins du Veterans'Affairs au Etats-unis.

Principaux critères d'évaluation Le critère d'évaluation primaire était la mortalité postopératoire sur 30 jours et le critère d'évaluation secondaire, un composite de la mortalité postopératoire et des évènements cardiaques sur 30 jours (arrêt cardiaque ou infarctus du myocarde avec onde Q).

Résultats Les taux de mortalité et d'évènements cardiaques augmentent de façon linéaire, quel que soit le sens de l'écart par rapport aux niveaux d'hématocrite normaux. Nous avons observé une augmentation de 1.6% (intervalle de confiance 95%, 1.1%-2.2%) de la mortalité postopératoire sur 30 jours pour chaque unité de pourcentage d'écart, positif ou négatif, du taux d'hématocrite, par rapport aux valeurs normales. Des analyses complémentaires suggèrent que les risques ajustés pour la mortalité et la morbidité cardiaque postopératoires sur 30 jours commencent à augmenter lorsque les taux d'hématocrite sortent des valeurs seuils 39%-51%.

Conclusions L'anémie et la polyglobulie postopératoires, même modérées, étaient associées à une augmentation des risques de mortalité et d'évènements cardiaques postopératoires chez les vétérans âgés de l'armée, en majorité des hommes, faisant l'objet d'une chirurgie non cardiaque majeure. Les études futures devraient déterminer si ces résultats sont reproductibles chez d'autres populations et si la prise en charge de l'anémie ou de la polyglobulie peut faire baisser le risque de mortalité postopératoire.

JAMA. 2007;297:2481-2488


Les patients âgés sont doublement exposés à des risques élevés d'anomalies du taux d'hématocrite et de complications cardio-vasculaires en chirurgie non cardiaque.1,2 Malgré le contrôle préopératoire quasisystématique du niveau d'hématocrite avant une chirurgie majeure,3 les implications pronostiques d'une anémie et d'une polyglobulie postopératoires ne sont pas suffisamment connues dans cette population à haut risque. Bien que nos précédentes observations aient montré une augmentation du risque de mortalité chez les patients âgés présentant un infarctus du myocarde aigu, même pour des anémies modérées, 4 les études chirurgicales ne montrent pas que celles-ci sont des facteurs de risque de décès, sauf dans le cas de maladies cardiaques ou de pertes de sang importantes.5-7 Le faible capital physiologique et la prévalence élevée de maladies cardiaques non déterminées pourraient néanmoins, rendre les personnes âgées sensibles à des anémies modérées, face au stress chirurgical.8-10


Cadre 1. Les vingt interventions chirurgicales les plus pratiquées chez les personnes âgées dans le NSQIP

Réparation d'une hernie inguinale

Prostatectomie

Recanalisation artérielle

Prothèse totale du genou

Ablation partielle du colon

Prothèse totale de la hanche

Cystoscopie ou résection de tumeurs de la vessie

Réparation d'une fracture fémorale (inter-trochantérienne, peritrochanterienne, ou sous-trochanterienne)

Amputation de la jambe au niveau de la cuisse

Réparation d'une fracture fémorale, extrémité proximale ou col

Cystoscopie ou résection de tumeurs de la vessie de moyennes tailles

Cholécystectomie laparoscopique

Réparation d'une anomalie artérielle Exploration abdominale

Ablation partielle du poumon, une seule lobe

Cholécystectomie

Amputation de la partie inférieure de la jambe

Re-réparation d'une hernie inguinale

Réparation d'une hernie abdominale

Révision de prothèses de la hanche


Peu de choses sont connues des effets de la polyglobulie dans le contexte chirurgical.11-13 Bien que les taux d'hématocrite élevés aient été associés à une augmentation des risques d'artériosclérose et de développement de maladies cardio-vasculaires,14-17 la plupart des publications divergent sur la valeur critique à laquelle cela peut devenir préjudiciable. Ces études se sont intéressées plus aux résultats à long terme que la mortalité à court terme.16-17

L'objectif de la présente est d'évaluer la prévalence des anémies et des polyglobulies préopératoires, ainsi que leurs effets sur la mortalité postopératoire sur 30 jours, sur une cohorte nationale de vétérans âgés, faisant l'objet d'une chirurgie non cardiaque.


METHODES

Le National Surgical Quality Improvement Program

Nous avons mené une étude rétrospective, utilisant des données provenant du National Surgical Quality Improvement Program (NSQIP) Le NSQIP s'applique à l'échelle du Veteran's Health Administration (VHA), et se place dans un cadre d'amélioration de la qualité des soins chirurgicaux à travers la collecte prospective de données cliniques impliquant des interventions majeures (définies comme des interventions réalisées en bloc opératoire, nécessitant une anesthésie générale, rachidienne ou épidurale), et l'établissement de rapports comparatifs sur les résultats postopératoires, ajustés en fonction du risque.7,18

Elle inclut des données provenant de 132 hôpitaux du VHA et a fait l'objet d'une description détaillée.19 Les opérations associées à une très faible mortalité ont été exclues (ex : chirurgies ophtalmologiques, auditives ou nasales). Le Cadre 1 contient une liste des interventions chirurgicales les plus fréquemment réalisées, en ordre décroissant, au cours de notre étude. Pour évaluer l'influence éventuelle de l'origine ethnique sur les résultats postopératoires, l'information correspondante a été extraite des dossiers médicaux informatisés et classée en "blanc" ou "non blanc".

La fiabilité des données extraites a été validée, obtenant plus de 96% d'accord entre observateurs.20 Les données étaient complètes à plus de 99%, à l'exception de certaines variables de laboratoire, comme l'albumine sérique (39% manquante) et l'azote uréique sanguin (6% manquante). Les variables manquantes ont été imputées par une méthode d'imputation multiple.7,21-23 Les analyses de sensibilité, réalisées avec ou sans ajustement pour les variables imputées, ont fourni les mêmes résultats.

Pour obtenir des données sur les variables associées à la coronaropathie, nous avons combiné les données du NSQIP avec celles des bases de données administratives du VHA, le Patient Treatment File pour les dossiers hospitaliers et de l'Output care File pour les dossiers ambulatoires. Ces variables incluent l'hospitalisation pour une angine sur les 30 jours précédant l'opération, un infarctus du myocarde sur les 6 mois précédant l'opération et un pontage coronarien ou une intervention coronarienne percutanée sur les 2 ans précédant l'opération. L'étude a été approuvée par le comité d'éthique du Providence VA Medical Center, Providence, RI.

Echantillon d'étude

Les chirurgies non cardiaques majeures réalisées sur des vétérans de 65 ans ou plus, identifiées à partir des données du NSQIP entre 1997 et 2004, nous ont servi d'unités statistiques. Des 326 124 cas identifiés, nous avons exclu 15 813 qui répondaient à un ou plusieurs des critères suivants : absence de mesure du taux d'hématocrite préopératoire, des opérations répétées sur les 30 jours précédant l'intervention index ou absence de codification de l'acte médical (Current Procedural Terminology code, CPT). Le taux de mortalité sur 30 jours des cas exclus (3.87%) est comparable avec celui de l'échantillon d'étude (3.89%).

Taux d'hématocrite préopératoires

Le taux d'hématocrite préopératoire était défini comme la dernière valeur mesurée précédant l'intervention index. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des taux d'hématocrite ont été obtenus dans les 3 mois précédant l'opération (79% sur les 4 semaines). Sur la base des littératures publiées, nous avions défini l'anémie préopératoire comme un taux d'hématocrite inférieur ou égal à 39.0%,24 la polyglobulie comme un taux d'hématocrite supérieur ou égal à 54.0%,25 et l'hématocrite normal comme une valeur comprise entre 39.0% et 53.9%

Cette définition n'associant pas forcément l'anémie et la polyglobulie à une augmentation du risque de mortalité postopératoire, nous avons d'abord réparti l'échantillon en plusieurs groupes selon les taux d'hématocrite préopératoires, afin de détecter la valeur seuil à laquelle l'augmentation de mortalité postopératoire apparaît, ainsi que de faciliter les comparaisons des résultats avec les études précédentes.4,5

Ceci a donné 14 groupes : taux d'hématocrite inférieur à 18.0%, entre 18,0% et 20,9%, 21,0% et 23,9%, 24,0% et 26,9%, 27,0% et 29,9%, 30,0% et 32,9%, 33,0% et 35,9%, 36,0% et 38,9%, 39,0% et 41,9%, 42,0% et 44,9%, 45,0% et 47,9%, 48,0% et 50,9%, 51,0% et 53,9%, et supérieur ou égal à 54,0%.

Critères d'évaluation

Le critère d'évaluation primaire était le décès dans les 30 jours suivant l'intervention index. Le critère d'évaluation secondaire était un composite comprenant la mortalité ou des évènements cardiaques (arrêt cardiaque ou infarctus du myocarde avec onde Q) sur les 30 jours suivant l'intervention index. L'infarctus du myocarde avec onde Q était défini comme l'apparition d'une onde Q de nécrose sur l'électrocardiogramme postopératoire, accompagnée de niveaux anormalement élevés d'enzymes cardiaques (créatine kinase et/ou troponine). Les infarctus du myocarde sans onde Q n'ont pas été pris en compte en l'absence de mesures périopératoires systématiques de la troponine durant la période d'étude.

Analyses statistiques

Nous avons comparé les données cliniques et sociodémographiques des patients anémiques, présentant des taux d'hématocrite normaux, et polyglobuliques. Le test du {chi}2 et l'analyse de variance ont été utilisés pour estimer les différences entre les groupes, respectivement pour les variables nominales et les variables continues.

Evaluation des définitions conventionnelles Après l'évaluation des taux de mortalité postopératoires à 30 jours associés à chacune des 14 catégories d'hématocrite préopératoires précédemment décrites, nous avons estimé indépendamment la valeur prédictive de chaque catégorie vis à vis des critères d'évaluation primaire et secondaire, et par rapport à la catégorie ayant le meilleur taux de survie postopératoire. Les analyses ont été ajustées sur les facteurs potentiels de confusion, en utilisant des modèles de régression logistique prenant en compte les variables NSIQP, ainsi que les facteurs précédents prédictifs de coronaropathies à 30 jours (TABLEAU 1).


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Tableau 1.. Facteurs de prédiction de la mortalité postopératoire sur 30 jours*


Du fait du parallélisme observé entre l'augmentation du taux de mortalité à 30 jours chez les patients anémiques et les patients polyglobuliques, nous avons défini la variable << écart par rapport aux valeurs normales d'hématocrite >> pour représenter cette corrélation et en faciliter l'usage dans l'étude. Les taux d'hématocrite préopératoires compris dans les "valeurs normales" (39.0%-53.9%) sont affectés d'un zéro, ceux qui sont supérieurs, affectés de la valeur observée à laquelle on soustrait 53.9%, et ceux qui sont en deçà, de 39.0% auquel on soustrait la valeur observée; leurs associations avec la mortalité de 30 jours ont ensuite été évaluées. Une régression logistique, incorporant les facteurs de prédiction de la mortalité à 30 jours, indiqués dans le Tableau 1, a été utilisée pour corriger les effets potentiels de confusion.

Analyse de sous-groupes. Nous avons repris une régression logistique pour étudier les sous-groupes prédéfinis de patients, ayant fait l'objet d'interventions chirurgicaux spécifiques, associées à des cas et des taux de mortalité plus élevés (chirurgies orthopédique, générale, vasculaire périphérique et thoracique) et de patients présentant un profil clinique spécifique (une précédente coronaropathie, une insuffisance rénale sévère, une broncho-pneumopathie obstructive chronique (BPCO), de sexe féminin, âge>75 ans, et les cas d'urgence). Une liste des opérations les plus fréquentes, classées par type de chirurgie (défini par la spécialité du chirurgien) est disponible auprès des auteurs.

Les antécédents de coronaropathie étaient définis par la présence de n'importe quelle variable associée à la coronaropathie, indiquée dans le Tableau 2. L'insuffisance rénale sévère se définissait par le recours à une dialyse ou un niveau préopératoire de créatininémie égal ou supérieur à 2.5mg/dl (221µmol/l) (ce qui traduit une affection rénale sévère chez un individu de poids moyen, âgé de plus de 65 ans).


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Tableau 2.. Valeurs initiales en fonction des valeurs d'hématocrite préopératoire*


Toutes les valeurs P rapportées sont bilatérales; une valeur P de 0.05 était considérée comme significative. Le logiciel SAS, version 9.1.3 (SAS Institute Inc, Cary, NC) a été utilisé pour les analyses statistiques.


RESULTATS

Valeurs initiales

310 311 cas ont répondu aux critères d'inclusion à l'étude. Sur la base des définitions conventionnelles, 42.8% de notre cohorte avaient une anémie préopératoire, 0.2% étaient polyglobuliques et le reste, 56.9%, avaient des taux d'hématocrite préopératoires normaux (Tableau 2).

La cohorte des patients anémiques avait plus de patients de sexe féminin et patients non blancs, ainsi que des prévalences plus élevées de diabète, de cardiopathies, de troubles neurologiques, de néphropathies, d'utilisation à long terme de stéroïdes, d'infection de plaies chirurgicales, de pertes de poids, de cancer et de transfusions préopératoires, par rapport aux cohortes de non anémiques (P<.001). Par ailleurs, les patients étaient généralement hospitalisés, plus âgés, avec une classe ASA plus élevée (indiquant une atteinte sévère d'une grande fonction) et fonctionnellement dépendants (P<0.001). Ils étaient également plus susceptibles de faire l'objet d'une décision médicale de non réanimation, ou d'avoir une chirurgie vasculaire, orthopédique ou reconstructrice (p<0.001). Les patients polyglobuliques étaient plus susceptibles d'être fumeurs, de prendre plus de deux verres d'alcool par jour, d'être soumis à une anesthésie générale, à une intervention otolaryngologique ou à une chirurgie d'urgence, que les patients non polyglobuliques. (P<0.001). Ils avaient également une tendance à présenter des ascites, des dyspnées, une BCPO, des saignements anormaux, des nivaux de sodium sérique élevés, un faible nombre plaquettaire, un nombre élevé de globules blancs, et des niveaux élevés d'aminotransférase sérique (P<0.001).

Evaluation des définitions conventionnelles

Le taux brut de mortalité postopératoire sur 30 jours a été de 3.9% et celui des évènements cardiaques, de 1.8%, pour l'ensemble de la population étudiée. La catégorie 45.0%-47.9% avait le meilleur taux de survie à 30 jours et avait servi comme catégorie de référence pour la comparaison des résultats entre les 14 catégories. Les taux de mortalité et le taux d'évènements cardiaques ont montré une augmentation linéaire avec la progression des écarts, positifs ou négatifs, par rapport aux valeurs d'hématocrite de la catégorie de référence, avec des maximums aux extrémités de la gamme de valeurs d'hématocrite (Tableau 3). La catégorie des taux d'hématocrites inférieurs à 18% avait les taux bruts de mortalité et d'évènements cardiaques postopératoires à 30 jours, les plus élevés. Après correction pour les facteurs potentiels de confusion, cette différence était significativement plus prononcée pour chaque catégorie d'hématocrite rentrant dans le champ de l'anémie ou de la polyglobulie, à l'exception de la catégorie des 21.0% à 23.9%. Sans remplir les conditions décrites par la définition conventionnelle de la polyglobulie, la catégorie des 51.0% à 53.9% a également montré une augmentation du risque de mortalité postopératoire à 30 jours.


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Tableau 3.. Taux de mortalité et d'évènements cardiaques à 30 jours en fonction des taux d'hématocrite préopératoires.*


Lorsque nous avons analysé les résultats associés aux définitions conventionnelles de l'anémie et de la polyglobulie, utilisant la variable << écart par rapport aux valeurs normales d'hématocrite >>, nous avons observé une augmentation de 1.6% (intervalle de confiance à 95%, 1.1%-2.2%) du risque ajusté de mortalité postopératoire à 30 jours pour chaque écart d'une unité de pourcentage, par rapport aux valeurs normales (39.0%-53.9%). Ainsi, un patient ayant un taux d'hématocrite préopératoire de 30.0% avait une augmentation de 14.4% du risque de mortalité à 30 jours, tandis qu'un patient ayant un taux d'hématocrite préopératoire de 24.0% avait une augmentation de 24% du risque de mortalité postopératoire à 30 jours.

Analyse de sous-groupes.

L'augmentation du risque de mortalité postopératoire à 30 jours pour une unité de pourcentage d'écart par rapport aux seuils normaux, et pour chaque sous-groupe défini par la spécialité chirurgicale et le profil clinique, sont indiquées dans le Tableau 4. Pour les différents spécialités, l'augmentation de la mortalité, par unité de pourcentage d'écart par rapport aux seuils normaux, était de 3.1% chez les patients ayant fait l'objet d'une chirurgie orthopédique, 1.4 % d'une chirurgie thoracique, 0.8% d'une chirurgie générale et 0.4% d'une chirurgie vasculaire périphérique. Parmi les différentes strates, ces valeurs ont été de 1.9% pour les patients de 75 ans ou plus, 1.7% pour ceux ayant une BCPO, 1.0% pour ceux ayant une néphropathie, 0.4% pour ceux ayant une coronaropathie et 0.1% pour les cas d'urgences. L'écart du taux d'hématocrite par rapport aux seuils normaux n'augmentait pas le risque de mortalité à 30 jours chez les femmes.


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Tableau 4.. Risque de mortalité à 30 jours pour chaque pourcentage d'écart par rapport aux aux valeurs d'hématocrite normales, pour les différents sous-groupes*



COMMENTAIRES

Les effets d'une valeur faible ou élevée d'hématocrite, chez l'individu âgé, dans le contexte d'une chirurgie non cardiaque majeure ne sont pas clairement connus. De précédentes études ont montré une tolérance physiologique exceptionnelle à l'anémie chez les adultes en bonne santé,26 grâce à l'augmentation du débit cardiaque, l'amélioration de l'extraction d'oxygène et une diminution de la résistance vasculaire.27,28 Cependant, nos études suggèrent que chez les personnes âgées, même les plus faibles degrés d'anémie ou de polyglobulie peuvent être associées à une augmentation significative des risques postopératoire de mortalité et et d'évènements cardiaques à 30 jours.

Malgré de petites variations, l'augmentation de la mortalité à 30 jours a été observée dans la majorité des sous-groupes analysés. Aux seules exceptions des populations féminines et de patients faisant l'objet d'une chirurgie d'urgence. La différence entre les seuils normaux d'hématocrite chez les femmes et les hommes est parfaitement connue.25 Bien que cela concorde avec nos résultats, il est également possible que le faible nombre de sujets féminins n'ait pas suffi à détecter une corrélation significative entre l'hématocrite et la mortalité postopératoire. De ce fait, il est possible que nos résultats ne soient pas applicables à la population de femmes âgées. Les patients ayant fait l'objet d'une chirurgie d'urgence sont également un groupe chez lequel l'évidence d'une corrélation entre l'hématocrite préopératoire et la mortalité était quasi-nulle. Il peut y avoir deux raisons à cela. D'abord, la sévérité de la maladie sous-jacente, à l'origine de l'urgence, pourrait avoir été suffisamment considérable pour masquer les effets de l'hématocrite sur la mortalité. Deuxièmement, la valeur d'hématocrite rapportée pourrait être différente de la valeur effective au moment de l'intervention d'urgence, et ne pouvait, de ce fait, être associée de façon précise, aux résultats observés.

L'anémie préopératoire

De précédentes études ont présenté l'anémie comme un facteur pronostic défavorable dans les seuls cas de patients faisant l'objet d'une chirurgie vasculaire ou extensive et ceux affectés par des pertes de sang importantes ou de cardiopathies. 5,29,30 Cependant, nous avons observé que l'augmentation du risque d'évènements postopératoires avait lieu pour tous les stades d'anémies, quel que soit le type d'intervention chirurgicale. Ce contraste pourrait être lié à la taille plus importante de notre échantillon, permettant la détection de faibles différences dans les résultats, ainsi que l'âge avancée de notre population d'étude.

Plusieurs facteurs associent l'âge et l'anémie comme facteur de risque de mortalité opératoire. Premièrement, la réserve cardiaque est réduite chez les personnes âgées,8 ce qui peut compromettre la compensation physiologique naturel an cas d'anémie.9 Deuxièmement, la prévalence élevée de coronaropathies infra-cliniques chez ces personnes abaisse potentiellement la tolérance à l'anémie,10,31 la présence de sténoses importantes rendant impossible la vasodilatation coronarienne, et l'extraction d'oxygène par le coeur pourrait être limitée.32,33 Nos observations étayent ces hypothèses, les évènements cardiaques ayant été étroitement corrélés à l'anémie. Ces résultats soutiennent également l'applicabilité de la définition de l'anémie chez la population âgée, donnée par l'Organisation Mondiale de la Santé,24 et pourrait avoir d'importantes implications cliniques. Les directives nationales actuelles pour la prise en charge péri-opératoire de l'anémie recommande le traitement, uniquement pour des valeurs d'hématocrite inférieures à 18%. 34,35

Ces directives soulignent le manque de justificatifs pour traiter les anémies de degrés faibles ou modérés dans le contexte chirurgical. Cette étude amène des preuves, basées sur un large échantillon de patients à majorité masculins et âgés de 65 ans ou plus, que l'augmentation des risques d'évènements cardiaques et de décès est proportionnelle au degré d'anémie, et apparaît à des valeurs inférieures à 39%. De fait, la majorité des décès peuvent être attribuée aux seules anémies de faibles degrés (taux d'hématocrite entre 27.0% et 39.9%).

Les causes les plus fréquentes d'anémie chez les personnes âgées sont liées à la carence en fer et aux maladies chroniques, et jouent probablement le même rôle dans notre population, au vu des maladies associées.1,36 Le traitement de l'anémie, lors de la phase préopératoire, par du fer, de l'érythropoïétine, transfusions de globules rouges ou de substituts34,37-39 est possible pour la plupart des chirurgies électives. Si l'anémie est un facteur modifiable et non pas seulement un indicateur pour d'autres conditions conférant un risque élevé, une transfuusion sanguine préopératoire pourrait être envisagée. Des études plus poussées sont nécessaires pour examiner l'intérêt des stratégies de rétablissement du volume sanguin dans la phase préopératoire.

Polyglobulie préopératoire

A notre connaissance, nos résultats sont les premiers à provenir d'une large étude et associer une polyglobulie marginale, commençant à la valeur d'hématocrite considérée auparavant normale de 51%, à une augmentation de la mortalité postopératoire. Cependant, ces observations contredisent les résultats publiés par Lubarsky et al41 rejetant le rôle des polyglobulies secondaires dans l'augmentation du risque de complications péri-opératoires. Ce contraste pourrait s'expliquer par une définition différente de la polyglobulie (hémoglobine ≥ 16g/dl) dans l'étude de Lubarsky et al 41, mais également par la taille limitée de leur population d'étude (n=200). Nos résultats sont soutenus aussi bien par des études physiologiques que par des études épidémiologiques à long terme, rapportant l'association des effets cardio-vasculaires préjudiciables à des taux élevés d'hématocrites.14-17

Physiologiquement, la polyglobulie est associée à un volume sanguin augmenté, et des niveaux d'hématocrite de 51% ou plus côtoient le niveau auquel une augmentation brutale de la viscosité sanguine apparaît.11,13 Un volume sanguin élevé, associé à une viscosité sanguine élevée aboutit à une post-charge élevée,27 abaissant le débit cardiaque, ce qui peut diminuer la perfusion des organes vitaux. 42,43 Par ailleurs, une viscosité sanguine élevée conduit à un état thrombogénique et a été associée à une gravité et une fréquence plus élevée de coronaropathies et d'accidents cérébro-vasculaires.17,45 Les effets d'un débit cardiaque faible et une thrombogénicité élevée sont vraisemblablement exacerbés durant une chirurgie,46 déclenchant au final des évènements cardio-vasculaires aigus. L'association d'une fréquence accrue d'évènements cardiaques à des valeurs d'hématocrite élevées soutient ces suppositions.

Nos résultats mettent en évidence la nécessite de réévaluer les valeurs seuils entrant dans la définition actuelle d'un hématocrite "normal" chez les hommes âgés et pose la problématique du traitement de la polyglobulie préopératoire. Parmi les facteurs contribuant à la polyglobulie, il y a le tabagisme, le BCPO (polyglobulie secondaire) et l'hémoconcentration (polyglobulie relative). 13 Si la polyglobulie est un facteur de risque modifiable et non pas seulement un indicateur d'autres facteurs d'exposition à un risque, alors le rétablissement du volume circulatoire intra-vasculaire pourrait aider à optimiser le profil de risque des patients présentant des valeurs d'hématocrite élevées. Il pourrait également aider à identifier les patients ayant une polyglobulie essentielle qui pourraient bénéficier d'une orientation hématologique dans la prise en charge préopératoire de cette maladie.41

Forces et limites de l'étude

Notre étude montre plusieurs limites. Premièrement, environ 21% des valeurs d'hématocrite préopératoires datent de plus de 4 semaines avant l'intervention et pourraient incorrectement refléter les taux d'hématocrite au moment de la chirurgie. Cependant, les variations des valeurs d'hématocrite chez un individu sont vraisemblablement faibles hors des cas d'urgence et d'hémorragie. Comme nous avons évalué les effets des deux dans notre modèle statistique, nous estimons que la faible incertitude, introduite par ce décalage entre la mesure et la chirurgie, est communément acceptée en étude clinique.

Deuxièmement, les observations tirées des patients polyglobuliques pourraient ne pas être aussi conclusives que ceux, provenant des patients anémiques, du fait d'une faible taille d'échantillon. Néanmoins, il existe quelques observations sur l'exposition des patients polyglobuliques à un risque opératoire et nos résultats devraient apporter plus de lumière sur le risque potentiel pour cette population d'individus.

Troisièmement, du fait de sa nature observationnelle, l'étude ne nous permet pas de déterminer la relation de causalité entre des valeurs faibles ou élevées d'hématocrite et le risque postopératoire d'évènements adverse ni de faire le lien entre l'étiologie et la chronicité de l'hématocrite anormal avec les résultats chirurgicaux. Ceci est particulièrement important dans la considération des traitements des anomalies d'hématocrite. Si ces variations découlent de conditions sous-jacentes, une faible valeur d'hématocrite pourrait n'être qu'un indicateur de risque et non pas un facteur de risque modifiable.


CONCLUSION

Nos résultats suggèrent que parmi les hommes âgés, faisant l'objet d'une chirurgie élective, le plus faible risque de résultats négatifs s'appliquent à ceux ayant des valeurs d'hématocrite entre 39.0% et 50.9%. Des variations, mêmes marginales, de cette plage de valeurs, étaient associées à un risque accru de la mortalité postopératoire et des évènements cardiaques à 30 jours. Les études futures devraient évaluer les effets du traitement de l'anémie et de la polyglobulie préopératoires dans l'amélioration du pronostic postopératoire chez cette population à risque.


Informations sur les auteurs

Correspondance : Wen-Chih Wu, MD, 830 Chalkstone Ave, Providence, RI 02908 (Wen-Chih.Wu{at}va.gov).

Contributions des auteurs : Les Dr Wu, Ms Schifftner et Dr Henderson ont eu un accès complet à toutes les données de l'étude et acceptant la responsabilité de l'intégrité des données et de l'exactitude de l'analyse des données.

Conception et schéma de l'étude : Wu, Schifftner, Henderson, Eaton, Poses, Uttley, Sharma, Vezeridis, Khuri, Friedmann.

Recueil des données : Schifftner, Henderson, Khuri.

Analyse et interprétation des données : Wu, Schifftner, Henderson, Eaton, Poses, Uttley, Sharma, Vezeridis, Khuri, Friedmann.

Rédaction du manuscript : Wu, Schifftner, Henderson, Eaton, Friedmann.

Revue critique du manuscrit :Wu, Schifftner, Henderson, Eaton, Poses, Uttley, Sharma, Vezeridis, Khuri, Friedmann.z

Analyse statistique : Schifftner, Henderson.

Obtention du financement : Wu, Henderson, Khuri.

Liens financiers : Aucun déclaré.

Financement/Soutien : Ce travail a bénéficié du soutien d'une bourse VA Merit Review Award in Health Services Research et d'une bourse Development grant IIR 04-313. Ce soutien inclut le temps des recherches et l'accès aux données pour les Dr Wu, Ms Schifftner, et le Dr Henderson et des honoraires de consultant pour les Drs Eaton et Poses.

Rôle du Sponsor : Le base de données a été fournie par VA NSQIP, qui a recueilli les données et revue, et approuvé le manuscrit avant sa soumission.

Note : Les vues exprimées dans cet article sont celles des auteurs et ne reflète pas nécessairement la position ou la politique du Department of Veterans Affairs.

Remerciements : Nous remercions Vincent Mor, PhD, Department of Community Health, Brown University, qui a revu cet article et nous a fait part de ses commentaires précieux.

Affiliations des auteurs : Target Research Enhancement Program, Providence Veterans Affairs Medical Center and Department of Community Health, Department of Medicine, Center for Primary Care and Prevention, Memorial Hospital of Rhode Island and Department of Family Medicine, and Surgical Service, Providence Veterans Affairs Medical Center and Department of Surgery, Brown Medical School, and Medical Service, Providence Veterans Affairs Medical Center, Providence, RI; National Surgical Quality Improvement Program Denver Data Analysis Center, Denver VA Medical Center, University of Colorado Health Outcomes Program, Denver; and Surgical Service VA Boston Healthcare System and Department of Surgery, Harvard Medical School, Boston, Mass.


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